Archive mensuelle 13 octobre 2020

ParJDA

Extraits du Bulletin de la Chaire Desaps

Art. 319.

La chaire Jean Monnet de l’Université Toulouse 1 Capitole, « Droit européen de la santé et des produits de santé » (Desaps) de notre collègue Nathalie De Grove Valdeyron vient de mettre en ligne un nouveau bulletin collectif.

Pour soutenir et partager cette très belle initiative, le Journal du Droit Administratif vous en propose ci-dessous trois extraits et vous engage à lire ledit bulletin en totalité en cliquant ci-après :

https://ceec.ut-capitole.fr/medias/fichier/bulletin-n-6-1final_1600067907973-pdf

1. avant-propos :

par Nathalie de Grove-Valdeyron
Professeure de droit public, Université Toulouse 1 Capitole (IRDEIC)
Chaire Jean Monnet

Dans le contexte de la pandémie liée au coronavirus, deux bulletins spéciaux de la Chaire Jean Monnet DESAPS, coordonnés par Sarah Bister (docteur en droit et avocate) et Lucas Sutto (doctorant), ont été consacrés aux mesures adoptées par l’Union européenne pour gérer la crise sanitaire. Ils ont permis de porter à la connaissance des lecteurs du bulletin DESAPS le nombre impressionnant de mesures adoptées par l’Union[1] pour aider les États à gérer, du mieux possible, une crise liée à un virus imprévisible et inconnu dont la propagation extrêmement rapide et la dangerosité ont pris de court les instances internationales, européennes et nationales.

            Cette pandémie liée au coronavirus a mis en lumière la compétence limitée attribuée par le traité sur le fonctionnement de l’Union (TFUE) à l’Union dans la lutte contre les menaces transfrontières graves pour la santé[2] (simple compétence d’appui aux États), mais aussi, le rôle incontournable qu’elle a à jouer dans ce cadre. L’Union européenne a géré, et continue à gérer, avec les moyens qui sont les siens, une crise inédite en n’hésitant pas, dans le contexte d’urgence sanitaire, à adapter la législation existante en l’assouplissant[3], en faisant preuve de la flexibilité[4] qui s’impose, ou en la complétant pour permettre la mise en œuvre de mesures nationales, tant sanitaires qu’économiques, elles aussi justifiées par le contexte particulier.

Ce sixième bulletin semestriel est consacré largement aux mesures adoptées pour gérer la crise de la COVID-19, depuis la parution du deuxième bulletin « spécial covid-19 ». Il fait également état, comme les précédents bulletins semestriels de la Chaire, des mesures (contraignantes ou non) adoptées dans le domaine de la santé et des produits de santé au cours des 6 derniers mois (autres que celles déjà reprises dans les bulletins spéciaux). Il comporte enfin une veille contentieuse, les arrêts les plus importants étant commentés.     

Parmi les points les plus marquants de ces dernières semaines repris dans ce bulletin, alors que le virus circule toujours activement et qu’une « seconde vague » semble se profiler en Europe, on retiendra que la Commission réfléchit déjà aux améliorations à apporter à la gestion des crises sanitaires de façon à être en mesure de faire face de manière plus efficace, à l’avenir, à de nouvelles menaces transfrontières. Elle a ainsi adopté, le 4 septembre dernier, une proposition de recommandation du Conseil [5] visant à garantir que toutes les mesures prises par les États membres qui restreignent la libre circulation en raison de la pandémie de coronavirus soient coordonnées et clairement communiquées au niveau de l’Union. Cette amélioration s’imposait face à la réaction de repli sur soi et de fermeture désordonnée des frontières décidée unilatéralement par les Etats au nom de la santé publique, dès le début de la crise (février 2020)[6]. De telles mesures ont eu pour effet, notamment, de retarder l’arrivée des protections individuelles (masques chirurgicaux, blouses etc..) particulièrement attendues dans les États les plus touchés par la pandémie[7] (Italie et Espagne). Au-delà des mesures adoptées et des instruments créés (réserve médicale RescUE notamment) afin de garantir que tous les États membres disposent dans les mois à venir des fournitures médicales essentielles en quantité suffisante, l’Union européenne a adopté une stratégie qui vise à accélérer la mise au point, la fabrication et le déploiement de vaccins efficaces et sûrs contre la pandémie. La Commission négocie puis passe des contrats d’achat anticipé avec des sociétés pharmaceutiques (Curevac, BioNTech-Pfizer, Astrazéneca…) en vue de l’acquisition de candidats vaccins. De façon concrète, en échange du droit d’acheter un nombre défini de doses de vaccin dans un délai donné (12 à 18 mois), à un prix fixé, la Commission finance une partie des coûts initiaux supportés par les producteurs de vaccins. Le financement fourni est considéré comme un acompte sur les vaccins qui seront par la suite effectivement achetés par les États membres. La recherche européenne est mise au service du développement d’un vaccin et tous les centres de recherches en font une priorité[8]. Par ailleurs, une coopération internationale s’organise aussi pour tendre au développement d’un vaccin accessible à tous[9].

 L’Union européenne a montré, une fois encore, sa capacité de résilience face à des crises et a éprouvé la solidarité des États membres. Le plan de relance « Next Generation UE » adopté par le Conseil européen remplira-t-il ses promesses et les États seront- ils, le moment venu, prêts à créer de nouvelles ressources propres[10] ? Le nouveau plan « EU4Health programme » (2021-2027), à l’état de projet, qui se présente avant tout comme un programme financier et spécifique tirant les leçons de la COVID-19 sera-t-il réellement suffisant ? l’avenir nous le dira mais une chose est certaine la crise aura mis en évidence, plus que jamais, la nécessité pour l’Union de préserver une souveraineté européenne dans un domaine essentiel, celui de la santé, et particulièrement s’agissant de la disponibilité des médicaments et des dispositifs médicaux, ce qui devrait amener à réfléchir à la création d’une nouvelle compétence partagée entre l’Union et les États membres dans ce domaine.


[1] Pour un rapide rappel de ces mesures voir aussi J-P Jacque, L’Union à l’épreuve de la pandémie, RTDE 2020, p. 175.

[2] M. Blanquet et N. De Grove-Valdeyron, La compétence de l’Union vis-à-vis des menaces transfrontières graves de santé publique à l’épreuve de la COVID-19, RAE/LEA2020/1. p. 9.

[3] On pense aux mesures concernant les aides d’Etats, la concurrence, le marquage CE etc. (voir le bulletin spécial COVID 1 et 2).

[4] E. Dubout et F. Picod, Forces et faiblesses de l’Union européenne face à la crise de COVID-19, RAE/LEA 2020/1- Avant- propos.

[5] COM (2020) 499.

[6] C. Bories, Quand l’Union européenne reconsidère la question de ses frontières par temps de coronavirus, RUE n °638, p. 296 ; D. Blanc : unis dans l’adversité : la protection civile de l’Union, instrument d’une solidarité éprouvée par le coronavirus, ibid. p 270 ; N. De Grove-Valdeyron, La gestion du COVID-19 par l’Union européenne : la réponse sanitaire, ibid. p.277).

[7] N. De Grove-Valdeyron, La pénurie d’équipements médicaux de première nécessité et de médicaments : que fait l’Union européenne ?, RUE n°639, juin 2020.

[8] Louisa COT, Les enjeux de la recherche & de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé durant la crise sanitaire liée à la covid-19, mémoire de Master 2 santé et protection sociale, Université Toulouse 1 Capitole.

[9] La Commission participe à l’initiative « COVID-19 Vaccine Global Access » (COVAX).

[10] Le plan de relance Next Generation EU : Un changement de cap historique ou un rendez-vous manqué pour réformer le budget de l’UE ? par Nicolas de Sadeleer, Professeur de droit de l’UE, université St Louis, chaire Jean Monnet, Research Fellow, METRO, Maastricht Universiteit, disponible sur http://blogdroiteuropeen.com

2. : L’affaire PIP
et la complexe réparation des préjudices causés par l’utilisation de dispositifs médicaux :
réflexions autour de l’applicabilité du droit de l’Union européenne à l’aune de l’arrêt du 11 juin 2020 de la Cour de justice de l’Union européenne

Pierre Jean THIL,
Doctorant en droit (IRDEIC)

« Existe-t-il pour l’homme un bien plus précieux que la Santé »
Socrate,

L’évocation par Socrate du caractère primordial de la préservation de la santé chez l’être humain pourrait paraître désuète dans la société européenne du 21ème siècle. En effet, cet impératif est parfois laissé de côté en raison d’intérêts autres que celui de protection de la santé publique. Cette situation est parfaitement illustrée par les tristes affaires de santé publique de ces dernières années, telles que celles du sang contaminé[1], ou du médiator[2], où l’État a vu reconnaître sa responsabilité « pour faute simple en matière d’activité de contrôle de la police sanitaire »[3]. L’arrêt du 11 juin 2020[4] de la Cour de justice de l’Union européenne[5] (CJUE), pour sa part, s’inscrit dans le cadre de l’affaire des « Poly Implant Prothèse » (PIP) et est plus particulièrement relatif à l’indemnisation des victimes du fait du défaut de ce dispositif médical décelé tardivement en raison d’un système de contrôle défaillant.

Dans cette affaire, la requérante au principal (une patiente allemande) s’est fait poser en Allemagne, le 30 octobre 2006, des implants mammaires produits par la société PIP et commercialisés par l’entreprise néerlandaise Rofil Medical Netherlands. En l’espèce, l’organisme notifié TÜV Rheinland a réalisé, en vertu des obligations de la directive 93/42[6], à partir de 1997 et jusqu’en 2010, des inspections annoncées en avance chez la société PIP à la suite desquelles le système de qualité a toujours été validé et la certification CE renouvelée. La société PIP était couverte par un contrat d’assurance de responsabilité civile pour la production de ses produits conclu auprès d’AGF IARD à laquelle a succédé Allianz[7]. Ledit contrat contenait une clause stipulant que la couverture d’assurance ne prendrait en compte que les dommages qui surviendraient en France métropolitaine ou dans les départements et territoires français d’outre-mer. En mars 2010, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS[8]) a relevé à l’occasion d’une inspection que le silicone utilisé était un silicone industriel non autorisé. Ainsi, le 1er avril 2010, il a été conseillé aux médecins par l’Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux en Allemagne de tenir informées les patientes s’étant fait poser ces implants et de ne plus utiliser ce dispositif médical. Le 6 janvier 2012, ce même institut a conseillé de faire explanter ces prothèses de manière préventive au vu du risque de rupture et « du caractère inflammatoire du silicone utilisé »[9]. En ce qui concerne la société PIP, cette dernière a fait faillite en 2010 puis a été liquidée l’année suivante. Enfin, l’explantation et le remplacement des implants de la requérante au principal ont été effectués en 2012.

Une action en dommages et intérêts a été introduite par la requérante au principal devant le Landgericht Frankfurt am Main (tribunal régional de Francfort-sur-le-Main) visant conjointement et solidairement le médecin lui ayant posé les implants défectueux, l’organisme notifié et l’assureur. La requérante au principal considérait, d’une part, que le médecin n’avait pas correctement respecté son obligation d’information concernant les risques encourus et la véritable nature des implants et, d’autre part, que l’organisme notifié n’avait pas respecté de manière correcte ses obligations concernant « les vérifications nécessaires et les inspections annuelles »[10]. Elle estimait que l’organisme notifié aurait dû effectuer des contrôles inopinés afin de se rendre compte du caractère défectueux des implants mammaires. En troisième lieu, elle mettait en avant que la clause limitant la portée géographique de la couverture du contrat d’assurance de responsabilité civile était contraire au droit de l’Union, et partant, qu’elle disposait d’un droit d’action directe contre l’assureur du fabricant. L’organisme notifié, pour sa part, estimait ne pas être obligé de réaliser ces contrôles inopinés et que ces derniers n’auraient en aucun cas pu être utiles au vu des pratiques frauduleuses du fabricant. L’assureur, quant à lui, considérait que les dommages de la requérante au principal n’étaient pas couverts par le contrat de responsabilité civile du fabricant.

Le juge de première instance n’ayant pas fait droit aux prétentions de la requérante au principal, cette dernière a interjeté appel auprès de l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main) alléguant que la juridiction de première instance aurait commis une erreur de droit en confirmant la validité de la clause et en ne retenant pas une violation de la libre circulation des marchandises.

Ledit tribunal s’est alors interrogé sur la légalité de la clause de limitation géographique de la couverture des dommages au regard du droit de l’UE et plus particulièrement de l’article 18 alinéa premier du TFUE. La juridiction considérait premièrement que cette disposition du traité pourrait avoir un effet direct horizontal. Elle estimait deuxièmement que, si ladite disposition n’était pas applicable dans le cadre des relations entre particuliers, elle pourrait servir de fondement pour déclarer l’illégalité de la clause du contrat d’assurance. Le tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main cherche également à connaître, d’une part, les conditions d’une éventuelle justification de cette situation qu’elle considère comme une discrimination indirecte et, d’autre part, si l’assureur pourrait refuser l’application de la couverture d’assurance à la requérante au principal dans le cas où le plafond de garantie aurait été atteint pour des sinistres répondant aux conditions contractuelles de couverture du risque. Afin de répondre à ces questionnements, le tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main a sursis à statuer afin de poser à la CJUE quatre questions préjudicielles. Le juge de Luxembourg a donc eu à s’interroger sur la comptabilité d’une clause de limitation territoriale de la garantie d’assurance aux dommages survenus dans un État membre déterminé avec l’article 18 alinéa premier du TFUE prohibant toute discrimination fondée sur la nationalité et sur sa possible justification. La CJUE a rendu un arrêt en grande chambre, le 11 juin 2020, estimant que l’article 18 premier alinéa du TFUE ne s’applique pas à une clause telle que celle faisant l’objet du renvoi préjudiciel car la situation « ne relève pas, en l’état actuel du droit de l’Union, du domaine d’application de celui-ci ».

L’intérêt de cet arrêt réside dans une réflexion relative à l’applicabilité du droit de l’UE en cas de défaillances des dispositifs médicaux et plus particulièrement en ce qui concerne d’une part, la complexité de l’indemnisation et, d’autre part, les limites du droit de l’Union en la matière (I). En effet, à la suite de la révélation de ce scandale sanitaire, une enquête d’investigation a été menée par un consortium de journalistes internationaux en vue d’éveiller l’opinion publique sur les importantes lacunes de la règlementation des dispositifs médicaux qui font peser un risque important sur les patients. Cette enquête met notamment en lumière le manque de vigilance et de traçabilité de ces produits[11]. On peut alors se questionner sur le manque d’opportunisme de la CJUE dans cette affaire ainsi que sur l’état du droit actuel en matière de sécurité des dispositifs médicaux et des moyens d’indemnisation offerts en cas de défaillance de ces dispositifs au vu du renforcement de la réglementation européenne en 2017 (II).

I. La complexe réparation des défaillances des dispositifs médicaux et les limites du droit de l’Union européenne : le cas de la limitation territoriale du contrat d’assurance du fabricant des implants PIP

Le volet indemnitaire de l’affaire des implants PIP illustre parfaitement la complexité à laquelle les victimes de défaillances de dispositifs médicaux ont à faire face pour obtenir une indemnisation, mettant ainsi en lumière les déficiences du droit de l’UE dans ce domaine (A), que la CJUE n’a pas appréciée dans sa décision du 11 juin 2020 en concluant que la situation ne peut pas être rattachée au champ d’application du droit de l’UE (B).

A. La question cruciale de l’indemnisation des victimes de dommages dus à la défaillance d’un dispositif médical : l’affaire des implants PIP et l’influence du droit de l’Union européenne

L’arrêt rendu le 11 juin 2020 met en lumière l’importance de l’indemnisation des victimes ayant subi des dommages dus à des défaillances de dispositifs médicaux. L’affaire des implants PIP n’est pas isolée et porte l’attention du juriste sur les difficultés d’obtention d’une indemnisation, notamment pour les victimes situées hors de France (en raison d’une clause du   contrat d’assurance du fabricant limitant territorialement la garantie d’assurance aux dommages survenus en France). Afin de bien comprendre les enjeux de l’arrêt du 11 juin 2020, il convient de procéder à une brève présentation des éléments juridiques majeurs de cette affaire de santé publique internationale et à l’exposition des caractéristiques essentielles relatives à la « nouvelle approche ».

Tout d’abord, une référence à la technique législative adoptée le législateur de l’UE, à savoir la « nouvelle approche »[12], en matière de réglementation des dispositifs médicaux permet de comprendre la complexité de l’équilibre à trouver entre protection et innovation en matière de dispositifs médicaux[13]. En effet, la nouvelle approche « organise une conciliation, évolutive, entre liberté de circulation et exigences sanitaires[14] » et vise à « rapprocher les standards de protection de l’intérêt général, plutôt que de négocier des produits communs à toute l’Europe »[15]. En vertu de cette méthode, une importante responsabilité incombe aux entreprises (en l’espèce le fabricant) dans le respect des exigences essentielles. Le contrôle de conformité qui donnera droit à l’apposition du marquage CE[16] est généralement confié à un organisme notifié qui garantit la conformité dudit produit. Le rôle des organismes notifiés a été vivement critiqué[17]. En effet, la technique de la « nouvelle approche » fait reposer sur ces entités une trop grande part de responsabilité sans prévoir une « voie de droit pour obtenir réparation d’une faute commise par ces organismes »[18]. Par ailleurs, il existe un manque flagrant de contrôle et des risques de conflits d’intérêts[19].

Dans cette affaire, les victimes sont confrontées à des difficultés juridiques majeures eu égard à la délimitation et au type de préjudices indemnisables, à l’existence d’un dommage certain, à la preuve « du lien de causalité entre la rupture et le développement de la maladie »[20] et notamment à la recherche de responsables, c’est à dire des acteurs allant de la production à la vente en passant par le contrôle et la certification des dispositifs médicaux, et enfin des juridictions compétentes. 

En ce qui concerne la saga judiciaire de cette affaire, elle débute en 2010 avec l’ouverture par le parquet de Marseille d’une « enquête préliminaire pour tromperie aggravée et mise en danger de la vie d’autrui »[21]. De nombreuses plaintes au civil de victimes sont alors déposées, ainsi que par l’assureur du fabricant. La même année, une plainte contre TÜV Rheinland est déposée par l’association PPP[22]. De plus, l’AFSSAPS recommande une vigilance accrue ainsi que le retrait de ces implants lorsque le risque de rupture existe. L’unique solution proposée est ici une nouvelle intervention médicale, ce qui provoque chez ces victimes « un dommage corporel »[23]. Dans les situations les plus graves, le risque de cancer est également présent. En décembre 2011, il est recommandé en France, ainsi que dans d’autres pays, de faire retirer à titre préventif ces implants, à la suite du signalement de cancers. Le 27 janvier 2012, l’ex-dirigeant de la société est mis en examen pour blessures involontaires et le 5 juillet de la même année pour abus de biens sociaux, blanchiment et blanchiment de fraude fiscale. Par ailleurs, TÜV Rheinland s’est vu assigné devant le Tribunal de commerce de Toulon « pour manquement à ses obligations de certification et contrôle par plusieurs milliers de victimes et six distributeurs étrangers »[24].

Le fondateur de la société a été condamné le 10 décembre 2013 par le Tribunal correctionnel de Marseille a quatre ans de prison ferme et 100.000 euros d’amende pour escroquerie et tromperie aggravée et à une interdiction d’exercice. Ce jugement été confirmé en appel[25] mais fut l’objet d’une cassation partielle[26]. En ce qui concerne l’assurance, la Cour d’appel d’Aix en Provence[27] n’a pas retenu la nullité du contrat. Toutefois, comme le souligne Caroline Lantero, la réparation est limitée car « la garantie reste plafonnée à 3 millions d’euros et ne concerne que les victimes opérées en France et à Monaco »[28]. Pour sa part, l’organisme notifié, TÜV Rheinland, a été condamné par le Tribunal de commerce de Toulon, mais l’arrêt a été infirmé par la Cour d’appel d’Aix en Provence en 2015[29] au motif qu’il n’est pas prévu d’obligation de réaliser des contrôles inopinés.

Il est donc possible de se rendre compte que les victimes des implants PIP ont une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête dans leur quête de réparation des dommages subis à la suite de la défaillance des implants PIP même si elles ont pu être bercées par l’illusion que la CJUE allait œuvrer en leur faveur, à la suite d’un important un arrêt du 16 février 2017[30]. Dans cette décision, le juge de Luxembourg a estimé qu’un organisme notifié n’est pas dans l’obligation de réaliser « des inspections inopinées, de contrôler les dispositifs et/ou d’examiner les documents commerciaux du fabricant »[31]. Toutefois, l’organisme notifié ne doit pas rester inactif lorsqu’il existe des « indices suggérant qu’un dispositif médical est susceptible d’être non conforme aux exigences découlant de la directive 93/42 »[32]. Dès lors, « cet organisme doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de s’acquitter de ses obligations »[33]. Il s’agit alors d’un « devoir de vigilance »[34] imposé aux organismes notifiés. Cette décision a sans aucun doute influencé l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 10 octobre 2018[35] qui a cassé l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence susmentionné. Cette conclusion de la CJUE ne laissait donc rien présager de l’interprétation restrictive qu’elle allait rendre concernant l’applicabilité de l’article 18 TFUE à la clause du contrat d’assurance de responsabilité liant PIP à Allianz concernant sa possible nature discriminatoire fondée sur la nationalité. En effet, de nombreuses victimes de la société PIP pouvaient espérer que la CJUE allait répondre de manière favorable aux questions de la juridiction de renvoi motivée par un objectif de protection des patients à l’échelle européenne.

B. L’absence d’obligation de souscription d’un contrat d’assurance de responsabilité en matière de dispositifs médicaux en droit de l’Union européenne et la non-applicabilité de l’article 18 TFUE : reflet du difficile équilibre entre intérêts divergents

La CJUE, afin de répondre à la question préjudicielle de la juridiction de renvoi relative à la possible discrimination indirecte créée par la clause litigieuse du contrat, analyse si les conditions d’invocation de l’article 18 premier alinéa TFUE sont remplies. La CJUE rappelle, dans cet arrêt du 11 juin 2020, les circonstances dans lesquelles les conditions d’application sont remplies, à l’appui d’une jurisprudence constante. Les deux conditions étant les suivantes : « selon la première condition, la situation à l’origine de la discrimination invoquée doit relever du champ d’application du droit de l’Union »[36], « selon la seconde condition aucune règle spécifique prévue par les traités et visant à interdire une discrimination en raison de la nationalité ne doit trouver à s’appliquer à une telle situation »[37]. On retrouve ici une application du principe lex specialis derogat lex generalis[38]. En l’espèce, la discrimination indirecte fondée sur la nationalité serait le fruit de la limitation géographique de la couverture d’assurance « en ce que celle-ci ne prévoit pas que cette couverture d’assurance s’étend aux dommages survenus sur l’ensemble du territoire de l’Union »[39].

Dans le cadre de l’analyse de la première condition, la CJUE s’intéresse tout d’abord au droit dérivé de l’UE et conclut qu’il ne prévoit pas d’obligation visant à ce que « le fabricant de dispositifs médicaux […] [souscrive] une assurance de responsabilité civile visant à couvrir les risques liés à ces dispositifs ou qui régit, d’une manière ou d’une autre, une telle assurance »[40]. Tout d’abord, une telle obligation n’est nullement présente dans la directive 93/42[41]. En effet, le juge de Luxembourg relève qu’une obligation d’assurance de responsabilité civile s’impose uniquement à l’organisme notifié « à moins que cette responsabilité ne soit couverte par l’État sur la base du droit interne ou que les contrôles incombant aux organismes notifiés, en vertu de cette même directive, ne soient effectués directement par l’État membre »[42]. Pour sa part, la directive 85/374[43] ne contient pas non plus une telle obligation de souscription d’assurance pour le fabricant du dispositif médical « pour les dommages éventuels liés à ces produits, ni ne régit d’une autre manière cette assurance »[44].

Eu égard à l’analyse du droit dérivé de l’Union, l’Avocat général au point 38 de ses conclusions souligne que « pour qu’une question relève du champ d’application du droit de l’Union, il suffit qu’il existe des règles du droit dérivé de l’Union régissant de manière générale l’objet ou les questions en cause. Il n’est donc pas nécessaire, au stade de la détermination de la compétence de la Cour, d’avoir clairement et explicitement identifié une règle ou une obligation spécifique du droit de l’Union qui s’applique à l’affaire ». Il résume sa vision au point 41 en constatant que « la Cour décline sa compétence lorsque la situation en cause est, dans tous ses éléments, cantonnée à l’intérieur d’un seul État membre, ou lorsqu’il est évident qu’aucune disposition du droit de l’Union, tout particulièrement celles qui sont soumises à l’interprétation de la Cour, ne peut trouver à s’appliquer ».

La Cour s’oppose donc, en l’espèce, à la vision de l’Avocat général qui paraissait empreinte d’une certaine logique. En effet, il existe notamment la directive sur les produits défectueux qui régit de manière générale la question objet du litige à savoir l’engagement de la responsabilité civile du fabricant. Alors, bien qu’il n’existe pas d’obligation spécifique d’assurance dans la législation européenne applicable à l’espèce, la situation devait relever du champ d’application du droit de l’Union européenne. La décision de la CJUE provoque une véritable insécurité juridique qui sera confirmée dans le cadre de l’analyse du rattachement de cette situation au cadre d’une liberté fondamentale.

En outre, on peut également s’étonner du silence du législateur concernant l’absence de cette obligation. En effet, cette omission a pour conséquence que les patients, en cas de défaillances des dispositifs médicaux, doivent se tourner vers les législations nationales, souvent disparates (comme l’a relevé le Parlement européen dans sa résolution du 14 juin 2012[45] sur les implants PIP), afin d’obtenir une possible réparation. L’impératif de protection de la santé semble ici absent alors que les dispositifs médicaux présentent un risque certain pour les patients.

Cette absence d’obligation légale de souscription d’un contrat d’assurance de responsabilité civile pour le fabricant de dispositifs médicaux est parfaitement compréhensible pour la directive 85/374 car ce n’est pas la fonction première de cet acte législatif de l’UE qui est plus ancien. Cela est confirmé par la CJUE au point 42 de l’arrêt où elle se réfère au considérant 18 de ladite directive afin de justifier son interprétation : « celle-ci n’a pas vocation à harmoniser de manière exhaustive le domaine de la responsabilité du fait des produits défectueux au-delà des points qu’elle réglemente » citant à l’appui un arrêt du 21 juin 2017[46]. Cela est également logique pour la directive 2006/123 car « cette dernière ne s’applique pas aux services financiers tels que ceux ayant trait à l’assurance. Dès lors, ladite directive ne saurait trouver application dans une affaire telle que celle au principal »[47]. Toutefois, cet état du droit paraît plus problématique pour la directive 93/42 qui vise à harmoniser les droits nationaux en matière de sécurité et protection des dispositifs médicaux, comme le relève la CJUE dans le troisième considérant de la directive[48].

Néanmoins, on comprend très vite à la lecture de ce troisième considérant que les règles de cette directive doivent concilier cet objectif de protection et de sécurité et la garantie de « la libre circulation des dispositifs médicaux »[49].  Cet impératif de conciliation est renforcé par le fait qu’il apparaisse préalablement à l’énoncé de l’objectif d’harmonisation des règles en matière de protection et sécurité des dispositifs médicaux[50]. La CJUE conclut donc au point 44 qu’« en l’état actuel du droit de l’Union, l’assurance de responsabilité civile des fabricants de dispositifs médicaux pour les dommages liés à ces dispositifs ne fait pas l’objet d’une réglementation par ce droit » et parfait sa démonstration en citant un domaine où un tel système est prévu par le droit de l’UE, à savoir le domaine de l’assurance de responsabilité civile relative à la circulation des véhicule automoteurs[51]

Cette première analyse du cadre législatif dans lequel cette obligation d’assurance pour le fabricant des DM est absente illustre les carences du droit de l’Union européenne en ce qui concerne le volet indemnitaire de ces affaires de santé publique. Ce constat sera renforcé par la conclusion de la CJUE concernant l’impossible rattachement de la situation d’espèce à l’exercice d’une liberté de circulation. Toutefois, une vision plus approfondie – prenant en compte la structure du droit de l’UE en matière de réglementation relative aux dispositifs médicaux et la nécessité de concilier des intérêts pouvant être divergents dans cette branche du droit – amène à conclure que le droit de l’UE, en pleine évolution, tente de trouver des palliatifs aux insécurités juridiques nées d’un manque de réglementation pouvant complexifier de possibles indemnisations.

II. La délicate indemnisation des victimes de dommages dus aux défaillances des implants PIP et l’inconcevable application de l’article 18 TFUE 

La CJUE n’a pas conclu que la situation d’espèce pouvait être rattachée à l’exercice d’une liberté de circulation, estimant donc que la première condition d’application de l’article 18 TFUE n’était pas remplie. L’analyse du raisonnement de la CJUE, lue de manière conjointe avec les conclusions de l’Avocat général Bobek, permet de mettre en exergue la logique et les fondements de la décision de la CJUE rendant inconcevable l’application de l’article 18 TFUE (A). Par ailleurs, la présentation de l’affaire des implants PIP dans la présente contribution, étudiée à l’aune de la décision de la CJUE, rend nécessaire l’exposition du nouveau cadre législatif européen renforcé et plus protecteur (B).

A. L’impossible rattachement de la clause de limitation de la portée géographique d’une couverture d’assurance de responsabilité civile au droit de l’Union

Dans le cadre de l’analyse de l’applicabilité de l’article 18 premier alinéa du TFUE, le juge de Luxembourg recherche, dans un deuxième temps, à savoir s’il est en l’espèce possible de rattacher la clause au droit de l’Union en vérifiant « si la situation à l’origine de la discrimination invoquée dans la présente affaire entre dans le champ d’application d’une liberté fondamentale prévue par le traité FUE »[52]. Pour ce faire, la CJUE insiste sur le fait qu’il doit exister « un lien de rattachement concret entre la personne, le service ou la marchandise ayant circulé et la prétendue discrimination »[53]. L’intérêt de la CJUE porte en l’espèce sur les libertés de circulation des marchandises, de services et des personnes.

En l’espèce, la requérante au principal réside dans l’État membre dans lequel elle s’est fait poser les implants mammaires défectueux, à savoir l’Allemagne. Dès lors, la CJUE relève premièrement que la situation ne peut être rattachée à l’exercice de la libre circulation des citoyens car la requérante au principal n’en a pas fait usage, ce qui est une condition exigée par une jurisprudence constante[54], ainsi le « lien de rattachement n’est dès lors pas concret entre la situation en cause au principal et la libre circulation des citoyens de l’Union ». Elle estime, deuxièmement, pour la libre prestation de services que la requérante n’a pas fait usage ce cette liberté au vu de la situation de l’espèce. On peut toutefois noter que ce lien de rattachement concret aurait pu être caractérisé si la requérante s’était rendue dans un autre État membre pour se faire poser les implants mammaires, comme le relève la CJUE au point 50 de l’arrêt qui se réfère au point 82 des conclusions de l’Avocat général[55]. Il convient également de noter que la libre prestation de services en assurance n’est pas un moyen qui permet de rattacher la situation au principal au droit de l’UE car le contrat a été conclu entre le fabricant français et une société d’assurance française. Il ne contient donc pas d’élément d’extranéité et ne rentre pas dans les situations – mentionnées au point 51 de l’arrêt – pouvant permettre de caractériser l’exercice de la libre prestation de services en assurance.  En dernier lieu, la même conclusion que pour les deux précédentes libertés s’applique pour la libre circulation des marchandises, c’est à dire l’absence d’un lien de rattachement concret entre ladite liberté et la situation en cause au principal. En effet, bien que la libre circulation des implants n’ait pas été entravée de manière discriminatoire[56], la CJUE opère, en l’espèce, au point 56, une importante distinction entre l’exercice stricto sensu de la liberté de circulation des marchandises et les « dommages causés par des marchandises qui ont fait l’objet d’une telle circulation » et, par conséquent, l’obtention d’une indemnisation par l’assureur du fabricant des prothèses PIP du fait des dommages subis. Il faut ici remarquer que « l’assurance de responsabilité civile ainsi contractée n’affecte pas la commercialisation dans un autre État membre des produits dont elle vise à couvrir les risques ni leur circulation au sein de l’Union »[57].

La conclusion de la CJUE visant à considérer que cette situation est purement interne[58] peut paraître à première vue étonnante au regard de l’interprétation extensive de la jurisprudence en matière de libertés de circulation, comme le relève l’Avocat général Bobek dans ses conclusions : « Il est vrai que, au fil des ans, la jurisprudence concernant les dispositions relatives aux libertés fondamentales a étendu plus encore leur champ d’application. Elle a commencé à inclure non seulement les obstacles réels (à savoir ceux qui sont déjà matérialisés), mais également le fait de dissuader ou de rendre l’exercice des libertés moins attrayant. De même l’éventualité d’un élément transfrontalier suffit […]. »[59]. L’Avocat général se pose alors la question de la limite de la « logique de l’éventualité », il relève qu’« il n’arrive pas souvent que la Cour constate qu’elle n’est pas compétente s’il existe dans l’affaire un élément transfrontalier raisonnablement concevable (et non pas entièrement hypothétique) ayant trait à l’une des quatre libertés »[60].

En l’espèce, le juge de Luxembourg aurait pu conclure que la situation relevait du champ d’application du droit de l’UE. L’Avocat général le met en lumière dans ses conclusions en soulignant que la CJUE devrait relever l’existence d’un lien de rattachement avec, d’une part, la liberté de circulation des marchandises : « il ne fait guère de doute que les dommages étaient, en un sens, la conséquence logique des échanges de marchandises à l’intérieur de l’Union »[61]. D’autre part, avec « la liberté de recevoir des services [d’assurance] », comme il le souligne au point 44 de ses conclusions, en constatant que « [s]i la clause territoriale devait effectivement être considérée comme incompatible avec le droit de l’Union, la requérante qui réside en Allemagne pourrait hypothétiquement demander des dommages et intérêts à la défenderesse qui réside en France, cherchant ainsi à avoir accès à une assurance transfrontalière en sa qualité de partie lésée ».

Toutefois, la CJUE, à la suite de son analyse en deux temps de la première condition d’application de l’article 18 premier alinéa du TFUE, considère que cette dernière n’est pas remplie. Partant, elle estime qu’il n’est pas opportun de rentrer dans l’analyse de la seconde condition cumulative[62]. Cette conclusion s’oppose à première vue avec sa jurisprudence classique, notamment en matière de libertés de circulation[63], ainsi qu’avec les conclusions de l’Avocat général[64]. Elle répond alors par la négative à la première question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi en affirmant « qu’une telle situation ne relève pas, en l’état actuel du droit de l’Union, du domaine d’application de celui-ci ». La décision rendue dans cette affaire laisse en suspens de nombreux points abordés par la juridiction tels que ceux relatifs à l’effet direct horizontal de la disposition invoquée, ainsi qu’à la caractérisation d’une possible situation de discrimination indirecte produite par la clause du contrat d’assurance de responsabilité civile.

 On peut alors s’étonner de cette conclusion, comme le relève l’Avocat général au point 99 de ses conclusions concernant la possible conclusion que la CJUE pourrait tirer de son analyse des conditions d’application de l’article 18 TFUE.  En effet, il affirme qu’il aurait « des doutes sur l’honnêteté intellectuelle d’une telle interprétation […] [qui] pourrait également avoir des répercussions étonnantes quant à l’applicabilité de l’article 18 TFUE lui -même. ». La décision de la CJUE pourrait alors apparaître comme contraire à la logique d’une nécessaire prise en compte par le droit de l’UE de la prévision et de la mise en œuvre de la responsabilité « dans des cas où ces marchandises s’avèreraient défectueuses »[65] dans le but de proposer une possible indemnisation à toutes les victimes possibles. Voire que cette situation contredise l’objectif de protection des consommateurs comme l’Avocat général le rappelle au point 106 en se fondant sur l’article 12 du TFUE et sur l’article 38 de la Charte.

Toutefois, il convient de relever que la réponse de la CJUE, bien que s’éloignant de la conclusion finale de l’Avocat général concernant le fait que la présente affaire ne relève du champ d’application du droit de l’UE, vise en substance à préserver la structure même de l’ordre juridique de l’UE. Dès lors, les motivations de l’arrêt commenté peuvent alors paraître plus compréhensibles et fondées. Le droit dérivé ne prévoyant une obligation de souscription d’assurance de responsabilité civile que pour l’organisme notifié et la situation n’étant pas rattachable à l’exercice de la liberté de circulation, il n’incombait donc pas à la CJUE de pallier les carences du législateur ou des différents acteurs intervenant dans la fabrication ou le contrôle des dispositifs médicaux, ou même de se livrer « à une interprétation « créative » »[66] de la directive 93/42.

Le juge de Luxembourg n’aborde pas directement la véritable question qui était ici celle de la norme applicable[67] à la situation d’espèce et du caractère problématique d’une possible application de l’article 18 TFUE en tant qu’obligation autonome. En effet, l’applicabilité de l’article 18 aurait pu porter atteinte à l’intégrité de l’ordre juridique de l’UE et à la logique même de ce droit dans le cadre du marché intérieur. L’Avocat général souligne qu’elle serait « erronée sur le plan structurel. Elle transformerait l’article 18 TFUE en une disposition sans limites, en vertu de laquelle toute question, aussi éloignée soit-elle d’une disposition du droit de l’Union, pourrait être harmonisée par voie juridictionnelle »[68].  En effet, elle irait à l’encontre du « principe de base du respect de la diversité règlementaire dans les domaines qui ne sont pas explicitement harmonisés par le droit de l’Union »[69]. L’Avocat général rajoute que cet article ne peut pas être une obligation matérielle autonome car cela contredirait la portée de la jurisprudence en matière de libre circulation des marchandises[70] étant donné que l’on se trouve ici dans le cadre d’une utilisation postérieure d’un dispositif médical.

Il est alors raisonnable de soutenir l’interprétation restrictive de l’applicabilité de l’article 18 TFUE afin d’éviter de possibles « conflits règlementaires entre les États membres »[71] dans un domaine dans lequel prédomine la « vision marché intérieur » On peut donc conclure que la décision de la CJUE témoigne de l’objectif d’assurer un haut niveau de sécurité et de prévisibilité juridique[72].

Néanmoins, l’arrêt objet de la présente contribution s’ajoute malheureusement aux nombreuses situations illustrant le problème complexe de la réparation[73] des préjudices des victimes de défaillances de dispositifs médicaux. On peut brièvement évoquer ici la complexité inhérente au caractère transfrontalier de cette affaire de santé publique qui a eu pour conséquence l’éclatement du contentieux et l’apparition de problématiques en lien avec le droit international privé[74]car toutes les victimes ne sont pas françaises : notamment quant à l’interprétation de l’article 5.3 du règlement Bruxelles 1 bis, à « la détermination du lieu de l’événement causal », à la nature de cet événement, au fait de l’existence de plusieurs faits dommageables[75], à la possibilité de recherche de différents types de responsabilité[76]. En effet, différentes possibilités ont pu être évoquées au début de l’affaire, le médecin (chirurgien), l’État, les fournisseurs, l’organisme notifié. En outre, l’absence d’une traçabilité adéquate des personnes s’étant fait poser ces implants mammaires défectueux a rendu complexe l’idée même de réparation. Cette situation pourrait laisser penser que les victimes françaises sont plus chanceuses. Toutefois, bien que l’on puisse conclure que la réparation des préjudices de ces victimes sera plus facile en France, l’importance de la réparation est très faible du fait du plafonnement de la garantie[77]. On pourrait alors en conclure que l’engagement de la responsabilité de l’État pourrait être plus aisé. Néanmoins, l’engagement de la responsabilité de l’État – pour carence fautive – n’a été reconnu qu’à partir d’avril 2009 dans un jugement du Tribunal administratif de Montreuil[78]. En l’espèce, la faute réside dans le fait que « l’AFSSAPS [n’a pas] pris des mesures au moment où elle ne pouvait plus ignorer le problème »[79]. Toutefois, ledit tribunal considère que la « fenêtre de responsabilité » ne court que sur neuf mois.

 La conclusion de cette affaire illustre la nécessaire amélioration du cadre législatif européen en matière de dispositifs médicaux. Ainsi, la question incidente que soulève cet arrêt n’est pas celle de savoir si la CJUE a manqué de volonté dans la conclusion de ce renvoi préjudiciel[80] quant à l’applicabilité de l’article 18 TFUE[81]. En effet, il s’agit de la question relative au manque d’ambition du législateur européen et des États membres[82] eu égard à l’encadrement des dispositifs médicaux, déjà présente avant que l’affaire présentement commentée n’éclate. Cet arrêt qui intervient quelques jours après l’entrée en application du règlement 2017 rend ainsi opportun la présentation de ce nouveau cadre juridique en matière d’encadrement des dispositifs médicaux qui met l’accent sur traçabilité, la vigilance des dispositifs médicaux et la responsabilisation des acteurs[83].

B. La réponse efficace mais limitée du droit de l’Union face aux affaires de défaillances des dispositifs médicaux : le nécessaire renforcement du cadre législatif européen au vu de la complexe réparation des dommages subis par les victimes de dispositifs médicaux

La lecture de la décision de la CJUE dans cette affaire pourrait laisser croire que les patients sont en quelque sorte délaissés par le droit européen à la suite d’une défaillance d’un dispositif médical. Toutefois, la présentation de ce nouveau règlement amène à nuancer cette considération. En effet, ce texte vise à rétablir la confiance des citoyens européens dans les principes et objectifs qui guident l’action de l’UE dans le cadre de la mise sur le marché et le contrôle des dispositifs médicaux avec notamment le renforcement des obligations des acteurs de la chaine des dispositifs médicaux (fabricant[84], mandataire).

Le corpus de règles en matière de dispositifs médicaux au niveau de l’UE bien que datant des années 90, est un « environnement juridique […] caractérisé par sa relative jeunesse »[85]. L’apparition d’un cadre juridique au niveau de l’Union a été rendue nécessaire par des législations nationales divergentes[86]. La première directive est la directive 90/385/CE[87] suivie de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux. Toutefois, face à un énième scandale sanitaire, en l’espèce l’affaire PIP, la Commission européenne a réagi avec entre autres l’adoption d’un règlement d’exécution du 24 septembre 2013[88] relatif « aux critères auxquels doivent satisfaire les organismes notifiés »[89] afin que l’organisme notifié soit « indépendant du fabricant du produit sur lesquels portent les activités d’évaluation de la conformité » et « de tout autre opérateur économique ayant des intérêts dans le produit ainsi que de tout concurrent du fabricant »[90]. Il prévoit également qu’« il doit être organisé et fonctionner de façon à préserver l’indépendance, l’objectivité et l’impartialité de ses activités »[91]. Néanmoins, ce système était insuffisant, profondément ancré dans une logique nationale, trop souple et inadapté face à « l’évolution des technologies médicales »[92]. Ainsi, le Parlement européen appelait de ses vœux la modification du cadre juridique en matière de dispositifs médicaux au niveau européen afin de rendre ce dernier plus efficace, plus sûr et plus transparent. Il invitait les États en collaboration avec la Commission européenne à renforcer leur collaboration « dans les domaines de la surveillance, de la vigilance et de l’inspection du marché, et de durcir les contrôles, afin de mieux garantir la sécurité des patients, en particulier de ceux exposés à des dispositifs médicaux à haut risque »[93]. L’OCDE le mettait également en évidence dans un rapport de 2017 en évoquant les limites d’un système fondé essentiellement sur le rôle des organismes notifiés avec les possibles conflits d’intérêts[94] et les lacunes de la surveillance post-commercialisation. Cela pouvait amener le juriste à s’interroger sur la possible préférence donnée à l’innovation au détriment de la sécurité des produits[95].

Il paraissait alors nécessaire d’adapter le cadre législatif européen en matière de dispositifs médicaux avec pour objectif d’améliorer le système de marquage CE[96], la traçabilité et la vigilance, afin de rendre le système de mise sur le marché et de contrôle des dispositifs médicaux plus transparent dans le but in fine de renforcer la confiance des citoyens européens dans le domaine de la santé publique. En 2012, la Commission européenne[97] a présenté deux propositions de règlements[98] dans le but de modifier la règlementation applicable au secteur des dispositifs médicaux afin de proposer un cadre « solide, transparent et viable »[99]. Cette législation, comme le met en avant la Commission européenne, doit concilier les intérêts des patients et des professionnels tout en assurant à la fois la protection de la santé et l’incitation à innover[100]. Elle a reçu un avis favorable du Conseil économique et social européen qui souligne que cette proposition d’actes législatifs « ne se limite pas à simplifier le cadre en vigueur mais introduit des règles plus efficaces, en renforçant les procédures d’approbation avant commercialisation, et en particulier la surveillance après commercialisation. […] Cette approche répond aux exigences des citoyens en matière de sécurité des patients et d’efficacité »[101].

La règlementation européenne en matière de dispositifs médicaux a ainsi été profondément réformée par un règlement de 2017[102] entré en application le 26 mai 2020 qui vient remplacer la directive 93/42/CEE et la directive 90/385/CEE. Il entend « établir un cadre règlementaire rigoureux, transparent, prévisible et durable pour les dispositifs médicaux qui garantisse un niveau élevé de sécurité et de protection de la santé tout en favorisant l’innovation » [103]. Il vise à renforcer la sécurité de ces dispositifs en palliant les lacunes de la législation précédente[104] en s’appuyant notamment sur la traçabilité et la vigilance[105] et en « imposant des exigences plus strictes principalement par le biais d’un accroissement des obligations (ainsi que des responsabilités) pesant sur les opérateurs économiques, mais également par un rôle étendu conféré aux autorités de contrôle »[106].

On peut également noter que « les apports majeurs du règlement concernent les distributeurs et importateurs – opérateurs jusqu’alors « oubliés » par les Directives sur les dispositifs médicaux »[107]. On peut relever un renforcement de la procédure de certification ainsi que de la surveillance pré et post-commercialisation qui occupe une place importante dans ce nouveau règlement. En premier lieu, ce sont les fabricants les premiers responsables de cette surveillance qui est elle-même complétée par des obligations spécifiques pour les importateurs[108] et les distributeurs[109] qui coopèrent avec les autorités de contrôle. On peut toutefois regretter qu’il n’y ait pas une définition de la notion de « risque grave »[110] et que « le règlement reste […] silencieux sur l’opérateur qui est chargé de cette mise en conformité, ce qui peut nuire à l’efficacité des missions confiées à ces différents acteurs. Toutefois, avec des obligations plus étendues, l’engagement de la responsabilité de ces opérateurs pourrait s’avérer plus aisée. Il faut également noter que « les distributeurs se voient reconnaître un statut à part entière sur le plan règlementaire, ce qui n’était pas le cas dans la directive ». Ces derniers doivent agir « dans le cadre leurs activités, avec la diligence requise pour respecter les exigences applicables »[111]. De plus, afin de veiller au respect de la réglementation, l’article 15.1 prévoit que les « fabricants disposent au sein de leur organisation d’au moins une personne chargée de veiller au respect de la réglementation possédant l’expertise requise dans le domaine des dispositifs médicaux ».

Par ailleurs, le règlement apporte des changements importants au régime juridique[112] des organismes notifiés[113] car il pouvait exister des différences entre États membres en matière d’évaluation de la conformité, ainsi que de son contrôle, en vue d’uniformiser les pratiques[114]. Il y a également l’affirmation d’un meilleur contrôle de ces organismes ainsi que de la qualification du personnel.

 En ce qui concerne l’obligation d’assurance, il est noté au point 1.4.1 de l’annexe VII que les organismes notifiés ont l’obligation de souscrire un contrat d’assurance de responsabilité civile. Toutefois, il doit être souligné que le nouveau règlement n’oblige pas les fabricants de dispositifs médicaux à souscrire un contrat d’assurance de responsabilité civile. L’article 10 paragraphe 16 dans son deuxième alinéa dispose que « [l]es fabricants auront, d’une manière qui soit proportionnée à la classe de risque, au type de dispositif et à la taille de l’entreprise, pris des mesures pour disposer d’une couverture financière suffisante au regard de leur éventuelle responsabilité en application de la directive 85/374/CEE, sans préjudice de l’adoption de mesures plus protectrices en vertu du droit national ». Ils peuvent également être l’objet d’une demande en réparation en cas de défaut de dispositifs médicaux engendrant un dommage.

On pourrait comprendre par couverture financière suffisante, comme le souligne l’Avocat général Bobek, que le législateur se réfère à la nécessité de disposer d’un contrat d’assurance et a anticipé le fait que ce vide juridique pouvait être préjudiciable. Toutefois, l’Avocat général relève à juste titre que « la référence dans l’article 10, paragraphe 16, à la législation nationale indique clairement que le législateur de l’Union n’a pas eu l’intention de prévoir une solution harmonisée unique à cet égard »[115]. On peut alors porter un regard critique sur cette absence d’obligation au sein de ce nouveau règlement car, bien que l’on puisse comprendre le refus de la CJUE d’appliquer l’article 18 TFUE en tant qu’obligation matérielle autonome, ce manque de précision concernant une couverture financière suffisante apporte certes une première réponse mais peut amener à des situations similaires à celles de l’affaire commentée. Les intentions du législateur européen peuvent ici paraître difficilement acceptables bien que cette situation puisse trouver son origine dans un refus des États membres d’harmoniser cette question.

Un autre fondement de cette nouvelle réglementation qui doit être conçue comme un vecteur de confiance est l’attention portée à la traçabilité[116] et à la vigilance. La traçabilité fait notamment référence à l’importance de l’identification des acteurs, ainsi que du suivi des dispositifs médicaux avant et après commercialisation, c’est à dire durant tout leur cycle de vie. Cela sera facilité par la création d’un système d’identification unique des dispositifs (IUD)[117]. Cet identifiant est conçu comme un outil qui améliorera la gestion des risques et l’identification des victimes en cas de défaillance d’un dispositif médical[118], ce qui aurait pu être d’une grande utilité dans le cadre de l’affaire PIP. Le renforcement des obligations en la matière est le vecteur d’une meilleure transparence et in fine de sécurité des dispositifs médicaux. La présence d’un comité d’experts dénommé GCDM dans le règlement sera également bénéfique pour favoriser une « application harmonisée de la réglementation »[119]. De plus, s’inscrivant dans le cadre de la gestion des risques et de la qualité, le règlement prévoit un système d’évaluation clinique et de suivi clinique après commercialisation[120] « dans le but de confirmer la sécurité et les performances pendant toute la durée de vie prévue du dispositif, d’assurer le caractère constamment acceptable des risques identifiés et de détecter les risques émergents sur la base d’éléments de preuves concrets »[121]. Par ailleurs, en matière de surveillance, on peut relever l’apparition des obligations de surveillance du marché et de surveillance après commercialisation qui sont à la charge de l’autorité compétente[122] pour la première et du fabricant pour la seconde[123]. Enfin, concernant la vigilance qui « s’intéresse à l’analyse des incidents graves concernant un dispositif médical et aux mesures correctives de sécurité qui en découlent »[124], on peut noter l’accroissement des obligations pour le fabricant en matière de documentation et de notification des incidents graves et dans la prise de mesures correctives de sécurité[125]. Le règlement prévoit également un rôle majeur pour la Commission européenne eu égard à l’évaluation des mesures nationales au niveau de l’Union tel que le prévoit l’article 96 du règlement.

Cette description des principales nouveautés de cette réglementation relative aux dispositifs médicaux, entrée en application quelques jours avant l’arrêt commenté, illustre la prise en considération par le législateur, à la suite de nombreux scandales sanitaires, de l’urgence d’agir en proposant un cadre ambitieux en adéquation avec les attentes légitimes des patients au XXI° siècle. Ce nouveau règlement tend donc à pallier les insuffisances du cadre législatif ancien en s’appuyant sur de nouveaux outils et obligations qui devraient permettre d’éviter de nouveaux scandales sanitaires.

Néanmoins, certains auteurs ont vivement critiqué cette réglementation en considérant tout d’abord que législateur aurait dû procéder à une refonte « du droit des dispositifs médicaux en le fondant clairement sur les principes du droit européen de la santé [afin de] le rationaliser en élaborant des régimes qui tiennent pleinement compte des spécificités sanitaires des produits plutôt que de vouloir maintenir un système d’accompagnement d’un secteur économique aux activités hétérogènes »[126]. Ces derniers s’interrogent également sur la faisabilité des contrôles inopinés[127], critiquent le fait que l’idée de création d’un organisme unique de certification soutenue par la France n’ait pas abouti[128], et que ce nouveau règlement ne propose pas une « articulation avec les règles du droit de la responsabilité alors que l’affaire des implants PIP a montré les limites du système actuel pour les victimes »[129]. Toutefois, d’autres auteurs nuancent cette constatation à l’instar d’Emmanuel Garnier et Anne-Catherine Perroy qui évoquent que « si les arrêts rendus jusqu’à présent confirment un début de clarification des modalités d’appréciation et de répartition des responsabilités juridiques de chacun, nul doute que le Règlement, qui apporte des amendements majeurs aux obligations imposées à chacun, devrait conduire à de nouvelles clés de répartition de ces rapports, en premier lieu au bénéfice des utilisateurs finaux des dispositifs médicaux »[130]. Ainsi, il ne convient pas de porter un regard trop sévère sur la décision de la CJUE qui doit être lue en lien avec le nouveau règlement. En effet, il est nécessaire d’attendre l’application – concrète – de ce nouveau cadre législatif afin de voir si le juge de Luxembourg devra agir de manière plus active, en vue d’assurer une meilleure protection des patients au sein de l’UE, grâce au rétablissement de l’équilibre entre la liberté de circulation des marchandises et l’impératif de protection de la santé publique.


[1] Conseil d’Etat, ass., 9 avr. 1993, n° 138653.

[2] Conseil d’Etat, 9 nov. 2016, n° 393902 ; Cour de cassation, Civ. 1re, 20 sept. 2017, n° 16-19.643 (en ce qui concerne les laboratoires).

[3] Lantero. (C.), Prothèses PIP : chronique d’un échec indemnitaire, AJDA, 2019 p.951.

[4] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, TÜV Rheinland LGA Products et Allianz IARD, 11 juin 2020, ECLI:EU:C:2020:453.

[5] Heuzé. (V.), « Limitation territoriale : nationalité », Répertoire de droit international-Assurance terrestre, Août 2004 (actualisation : Juin 2020). « Non-discrimination (nationalité) : limitation géographique d’une clause d’assurance », Recueil Dalloz 2020 p.1295; Golosov. (E.), « Affaire « Prothèses PIP » devant la CJUE absence de couverture par le contrat d’assurance français des implants exportés vers un autre État membre et utilisés sur le territoire de ce dernier », Lamyline, 12 juin 2020 ;  Berlin. (D.), « Nouvelle illustration de situation purement internes : l’affaire des implants mammaires PIP », La Semaine Juridique – Edition générale n°26, 29 juin 2020, 802 ; « CJUE : implants mammaires défectueux, assurance géographiquement limités et droit de l’union », Actualités Juridiques, Lextenso, 29 juin 2020.

[6] Directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux.

[7] Obligation de souscription imposée à AGF IARD par le Bureau central de tarification (autorité française).

[8] L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a succédé à l’AFSSAPS le 1er mai 2012.

[9] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 17.

[10] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 21.

[11] Monin.(J.), Ce que révèlent les « Implant Files » sur les failles du système de certification des dispositifs médicaux, France info, 25/11/2018, disponible à : https://www.francetvinfo.fr/.

On doit tout de même relever comme cela sera expliqué dans le II.B) de cette contribution que la réglementation en  la matière a été grandement réformée en 2017 par le Règlement (UE) n°2017/745, du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux.

[12] Berrod. (F.), « Chronique Marché Intérieur – La « Nouvelle approche » de l’harmonisation au prisme des principes fondamentaux d’une gouvernance démocratique », RTD Eur. 2018 p.697 ; Verbruggen. (P.) ; Van Leeuwen.(B.), « The Liability of Notified Bodies under the EU New Approach : The Implications of the PIP Breast Implants Case », ELRev 2018/3, p. 394 ; Van Leeuwen.(B.), « PIP Breast Implants, the EU’s New Approach for Goods and Market Surveillance by Notified Bodies », (2014)5 European Journal of Risk Regulation 338, 349.

[13] Van Leeuwen. (B.), « La responsabilité des organismes notifiés du fait d’implants mammaires défectueux : TÜV Rheinland devant les tribunaux français et allemands », Rev. int. dr. écon., n° 1, 2015. 69. L’auteur précise que : « Les différentes actions qui ont été intentées à la suite du scandale relatif aux implants mammaires PIP concernent essentiellement la problématique de l’articulation du cadre réglementaire ex ante établi par l’Union européenne, dans le cadre de la nouvelle approche, avec la gestion ex post du risque et du préjudice potentiels mise en œuvre soit par les agences de contrôle publiques, soit par les parties privées », p.69.

[14] Borowczyk. (J.) ; Dharréville. (P.), « Rapport d’information n°1734 en conclusion des travaux de la mission d’information relative aux dispositifs médicaux », Assemblée Nationale, Commission des affaires sociales, 6 mars 2019, p.13, disponible à http://www.assemblee-nationale.fr/.

[15] Cit., Berrod, « La « Nouvelle approche » … ».

[16] Cit., Borowczyk et Dharréville, « Rapport d’information n°1734 … », p..23 : « le marquage s’obtient sur demande du fabricant, ce qui signifie en pratique que c’est à lui d’identifier que son produit relève de la réglementation sur les dispositifs médicaux et qu’il doit suivre la procédure prévue par celle-ci ». 

[17] Le Gal Fontes (C.) ; Chanet. (M.),  «  Le rôle et les conditions de surveillance des organismes notifiés : une réforme tant attendue…, RDSS, 2018.

[18] Cit., Berrod, « La « Nouvelle approche » … ».

[19] Adèle. (P.-A.) ; Desmoulin-Canselier. (S.), « Droit des dispositifs médicaux : vers une réforme ou un simple réaménagement », RDSS, 2016, p.930. Les auteurs évoquent que : « Ces organismes, dits « notifiés », sont certes agréés par les pouvoirs publics, mais ils sont rémunérés par les fabricants et travaillent à partir des informations fournies par eux ».

[20] Cit., Borowczyk et Dharréville, « Rapport d’information n°1734 … », p.8.

[21] Le Monde, Prothèses mammaires PIP : Chronologie d’un scandale, 18 janvier 2012, disponible à  https://www.lemonde.fr/.

[22] Association de défense des porteuses de prothèses PIP.

[23] Jourdain-Fortier. (C.), « L’affaire PIP ou la difficile réparation en Europe des dommages corporels de masse causés par un dispositif médical défectueux », RID éco. 2015. 5. L’auteur souligne qu’« elles doivent être réopérées pour que leur prothèse puisse être explantée et remplacée. Les préjudices qui en découlent sont aussi bien patrimoniaux (coûts des prothèses, coûts de l’intervention restés à charge, perte de gains professionnels, frais divers…) qu’extrapatrimoniaux (souffrances endurées, préjudice d’anxiété, déficit fonctionnel temporaire, préjudice esthétique temporaire, préjudice sexuel…). », p.8.

[24] Cit., Le Monde, « Prothèses mammaires… ».

[25] Cour d’appel d’ Aix-en-Provence, 7e ch. Corr, 2 mai 2016.

[26] Cour de cassation, Crim. 11 sept. 2018, n° 16-84.059, voir RTD com. 2018. 1061, obs. Bouloc.(B.).

[27] Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 22 janv. 2015, n° 12-11337.

[28] Cit.,Lantero, « Prothèses PIP… ».

[29] Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 2 juill. 2015, n° 13-22482.

[30] CJUE, aff. C-219/15, Schmitt c/ TUV Rheinland, 16 févr. 2017, ECLI:EU:C:2017:128.

[31] CJUE, aff. C-219/15, point 48.

[32] CJUE, aff. C-219/15, point 48.

[33] Berlin. (D.), « Produits défectueux et responsabilité de l’organisme certificateur », La Semaine Juridique Edition Générale n° 10, 6 Mars 2017, 252. Blanc. (N.), « Précisions sur la responsabilité du certificateur de dispositif médical », Gaz. Pal. 25 avril 2017, n° 293d0, p. 25 ; Knetsch. (J.), « La responsabilité de la société certificatrice dans l’affaire des prothèses mammaires PIP : les précisions attendues de la CJUE », RDC 2017, n° 114d1, p. 241.

[34] Coulon. (C.) , « Scandale des implants mammaires PIP : fin de parcours pour les victimes étrangères », Responsabilité civile et assurances n° 5, Mai 2017, alerte 13.

[35] Cour de cassation, Civ. 1re, 10 oct. 2018, n° 17-14.401 (voir RDSS, 2018. 1105, obs. J. Peigné), cassation de l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix et renvoi à la Cour d’appel de Paris.

Bacache. (M.), « Prothèses PIP : responsabilité pour faute des organismes de certification », La Semaine Juridique Edition Générale n° 48, 26 Novembre 2018, 1235 ; Bloch. (L.), « Prothèses PIP : la Cour de cassation redonne espoir aux victimes », Responsabilité civile et assurances n° 11, Novembre 2018, alerte 23 ; Boskovic. (O.), Fait dommageable – Conflit de lois. – Règlement (CE) n° 864/2007. – Règlement (CE) n° 44/2001. – Fait dommageable. – Parties domiciliées à l’étranger. – Union Européenne. – Exception d’incompétence. – Loi applicable, Journal du droit international (Clunet) n° 2, Avril 2019, 14.

[36] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 32.

[37] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 33.

[38] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff.  C-581/18, TÜV Rheinland LGA Products et Allianz IARD, 6 février 2020, ECLI:EU:C:2020:77, point 51 : « Ainsi, l’article 18 TFUE joue un rôle résiduel. Comme l’a indiqué l’avocat général Jacobs, la fonction de cette disposition est « de combler les lacunes créées par les dispositions plus spécifiques du traité » ».

[39] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 34.

[40] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 37.

[41] Cette obligation de souscription d’un contrat d’assurance de responsabilité civile est prévue en France par l’article L.1142-2 du Code de la santé publique.

[42] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 40.

[43] Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.

[44] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 41.

[45] Parlement européen, Résolution du Parlement européen du 14 juin 2012 sur les implants mammaires en gel de silicone défectueux produits par la société française PIP, (2012/2621(RSP)) : « considérant que la transposition de la législation européenne sur les dispositifs médicaux en droit national n’a pas prévenu cette fraude sanitaire, qui a entraîné et entraînera encore des conséquences négatives graves sur la santé au niveau international ». Il relève également un manque de coopération au niveau de l’Union et au niveau international : « en matière de partage des informations et de notifications des effets nocifs ainsi qu’un manque de traçabilité des matières premières utilisées pour les dispositifs médicaux ».

[46] CJUE (deuxième chambre), C‑621/15, W e.a, 21 juin 2017, ECLI : EU:C:2017:484, point 21.

[47] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 43.

[48] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 39.

[49] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 38.

[50] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 39 : « Cette directive ainsi qu’il ressort de ses sixième et douzième considérants, régit la mise sur le marché des dispositifs médicaux et fixe des normes harmonisées au niveau de l’Union visant à la prévention contre les risques liés à la conception, à la fabrication et au conditionnement des dispositifs médicaux ».

[51] Directive 2009/103/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité.

[52] CJUE (grande chambre), aff.  C-581/18, point 45.

[53] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 46

[54] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 48.

[55] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 50 : « cette liberté inclut également la liberté des destinataires de se rendre dans un autre État membre pour y bénéficier d’un service et que les bénéficiaires de soins médicaux peuvent être considérés comme des destinataires de services ».

[56] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 55.

[57] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 56.

[58] Voir notamment pour la notion de situation « purement interne », CJUE, aff. C-175/78, La reine contre Vera Ann Saunders, 28 mars 1979, ECLI:EU:C:1979:88, point 11.

[59] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 30.

[60] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 32. 

[61] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 43.

[62] CJUE (grande chambre), aff. C-581/18, point 59 : « compte tenu des circonstances de l’affaire au principal, [il y a lieu] d’exclure l’application de cette disposition à cette affaire sans qu’il soit besoin d’examiner s’il existe une règle spécifique de non-discrimination prévue par le traité FUE applicable à celle-ci et si ladite disposition est susceptible d’être invoquée dans le cadre de relations entre particuliers ».

[63] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 31 : « il n’arrive pas souvent que la Cour constante qu’elles n’est pas compétente s’il existe dans l’affaire un élément transfrontalier raisonnablement concevable (et non pas hypothétique) ayant trait à l’une des quatre libertés ».

Pour une interprétation jurisprudentielle d’une situation purement interne : CJUE, Ullens de Schooten, aff. C-268/15, 15 novembre 2016, ECLI:EU:C:2016:874.

[64] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 42 : « pour trois raisons : i) un élément transfrontalier dans le contexte de la libre circulation des marchandises et les conséquences qui en découlent en matière de responsabilité ; ii) l’éventualité en ce qui concerne la liberté de recevoir des services (d’assurance) provenant d’un autre État membre et, iii) l’objet normatif de l’affaire, à savoir la responsabilité des fabricants du fait des produits défectueux et les dispositifs médicaux en tant que marchandises dans le marché intérieur, qui font tous deux l’objet d’une harmonisation partielle dans le droit dérivé de l’Union ». 

[65] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 106. 

[66] Cit., Berrod, « La « Nouvelle approche » … ».

[67] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 49 : « la véritable question qui se pose dans cette affaire : existe-t-il une disposition spécifique du droit de l’Union interdisant une telle restriction ? Si ce n’est pas le cas, l’article 18 TFUE peut-il à lui seul, constituer une telle disposition ? ».

[68] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 109.

[69] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 110.

[70] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 111 : « S’il est interprété en ce sens, le champ d’application de l’article 18 TFUE ne connaîtrait aucune limite : cette disposition se transformerait en une formule de l’arrêt Dassonville dopée aux stéroïdes ».  

[71] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 115.

[72] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 115 : « En effet, cette interprétation expansionniste de l’article 18 TFUE pourrait rendre la législation de n’importe quel État membre potentiellement applicable sur le même territoire sans aucun critère clair et objectif pour déterminer quelle loi doit prévaloir dans un litige donné, la victime pouvant choisir la législation la plus favorable ».

[73] L’exemple qui suit, bien qu’en relation avec une situation interne, illustre parfaitement cette constatation. Par exemple, dans l’affaire du Mediator, l’État n’a pas été tenu pour entièrement responsable.

[74] Cit., Jourdain-Fortier. (C.), « L’affaire PIP ou la difficile réparation… ».

[75] Pour une illustration voir : Groutel. (H.), « Rupture des coiffes des implants mammaires PIP distribués à l’étranger : domaine territorial de la garantie », Responsabilité civile et assurances, n° 11, Novembre 2017, comm. 290 ; Astegiano-La Rizza. (A.),  « Le fait générateur et l’application territoriale de la garantie », Bulletin Juridique des Assurances, n° 52, Juillet 2017, comm. 13.

[76] De Silguy. (S.), « Affaire PIP : des coupables non responsables ? », Revue Lamy Droit civil, n°91, 1er mars 2012.

[77] Cit., Lantero, « Prothèses PIP… » : « la garantie reste plafonné à 3 millions d’euros (…) ce qui ne représente rien (environ 450 euros) et ne couvre rien (80% des prothèses étaient vendues à l’étranger) ». 

[78] Tribunal administratif de Montreuil, 29 janv. 2019, n° 1800068. Pauliat. (H.), « Prothèses PIP : une carence fautive de l’État, mais limitée », La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 6, 11 Février 2019, act. 92.

[79] Cit., Lantero, « Prothèses PIP… ».

[80] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 93 : « une interprétation extensive de l’article 18 TFUE « transformerait l’article 18TFUE en une disposition d’harmonisation sans limites, ce qui porterait atteinte à la répartition des compétences entre l’Union européenne et les États membres et créerait des conflits problématiques entre les régimes juridiques au sein du marché intérieur ».

[81] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 122 : « l’article 18 TFUE ne s’oppose pas, à lui seul, à la limitation au territoire d’un État membre d’une obligation d’assurance de la responsabilité civile pour l’utilisation de dispositifs médicaux ».

[82] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 120.

[83] Voir notamment : Bister.(S.), « L’encadrement par le droit de l’Union européenne de la qualité et de la sécurité des médicaments et dispositifs médicaux : implications en droit français », Publications UT-Capitole, 2017, disponible à : http://publications.ut-capitole.fr/id/eprint/24183.

[84] Garnier. (E.) ; Perroy. (A.-C.), « Le règlement européen n°2017/745 sur les dispositifs médicaux : une clarification des responsabilités des opérateurs économiques », RDSS, 2018, p.19. L’auteur évoque que : « les fabricants (…) doivent s’attendre à des contrôles plus stricts et minutieux de la part de leurs mandataires, importateurs et distributeurs lesquels devront s’assurer que le fabricant dispose des garanties techniques, financières et scientifiques pour fabriquer un dispositif médical conforme au règlement ».

[85] Cit., Borowczyk et Dharréville, « Rapport d’information n°1734 … », p.18.

[86] Cit., Borowczyk et Dharréville, « Rapport d’information n°1734 … », p. 14 : « En pointe dans les années 50 et 60 sur le contrôle des médicaments, la France s’est donc contentée, s’agissant du dispositif médical, de mettre en œuvre trente ans plus tard un dispositif plus limité qui avait essentiellement pour but d’anticiper et de peser dans les travaux communautaires sur la question ».

[87] Directive 90/385/CEE du Conseil, du 20 juin 1990, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux dispositifs médicaux implantables actifs.

[88] Commission européenne,  Règlement d’exécution (UE) n° 920/2013, 24 sept. 2013 : JOUE n° L 253, 25 sept. 2013, p. 8.

[89] Commission européenne,  communiqué IP/13/854, 24 sept. 2013 cité dans La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 40, 3 Octobre 2013, act. 720.

[90] Article 1.1 annexe 1 du règlement d’exécution (UE) n° 920/2013.

[91] Article 1.2 annexe 1 du règlement d’exécution (UE) n° 920/2013.

[92] Cit., Garnier.(E.) ; Perroy.(A.-C.), « Le règlement européen n°2017/745 sur les… ».  

Avis du Comité économique et social européen, 14 févr. 2013, JOUE C 133/52 (9.5.2013), p.53.Le CESE dans un avis de 2013 ajoute que : « les patients et les professionnels des soins de santé n’ont pas accès aux informations essentielles relatives aux investigations et aux preuves cliniques ; l’absence de coordination entre les autorités nationales et la commission (…) », p.55.

[93] Cit., Parlement européen, « Résolution du Parlement européen du 14 juin 2012… ».

[94] OECD, New Health Technologies : Managing Access, Value and Sustainability, OECD, Publishing, Paris, 2017, http://dx.doi.org/10.1787/9789264266438-en. Il est souligné que les « investigations have shown that some of them were ready to grant CE marking to products presented as raising safety problems for patients internationally » p.122.

[95] Cit., Adèle (P.-A.) ; Desmoulin-Canselier. (S.), « Droit des dispositifs médicaux… ».

[96] Pour plus de precisions se référer à :  Freemantle.(N.), « Commentary : Evaluating and regulating device therapy”, BMJ 2011;342:d2839 doi: 10.1136/bmj.d2839 ; Campillo-Artero.(C.), « A full-fledged overhaul is needed for a risk and value-based regulation of medical devices in Europe », Health Policy, Volume 113, Issues 1–2, November 2013, pp.38-44.

[97] COM(2012) 540 final.

[98] COM(2012) 542 final.

[99] COM(2012) 540 final, p.3.

[100] Cit., OECD, « New Health Technologies : Managing Access…».  L’efficacité d’une réglementation relative aux dispositifs médicaux doit se fonder sur trois objectifs mis en lumière par l’OCDE: « ensuring that devices are clinically safe, performant, and effective where relevant; facilitating timely and equitable patient access to beneficial health technology ; and ensuring that expenditures on devices produces value to patients and health care systems », p.118.

[101] Cit., CESE, « Avis du Comité économique et social européen, 14 févr. 2013… », p. 53.

[102] Règlement (UE) n°2017/745, du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) no 178/2002 et le règlement (CE) no 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE.

[103] Règlement (UE) n°2017/745, considérant 1.

[104] Cit., Borowczyk et Dharréville, « Rapport d’information n°1734 … », p.20. Les auteurs affirment que « Ces règles européennes dessinent une procédure qui a longtemps été sous-dimensionnée par rapport aux risques inhérents à certains dispositifs médicaux ».

Règlement (UE) n°2017/745, considérant.4 : « Il convient, pour améliorer la santé et la sécurité, de renforcer considérablement certains aspects essentiels de l’approche réglementaire en vigueur, tels que la supervision des organismes notifiés, les procédures d’évaluation de la conformité, les investigations cliniques et l’évaluation clinique, la vigilance et la surveillance du marché, et d’introduire des dispositions garantissant la transparence et la traçabilité des dispositifs médicaux ».

[105] Dumartin. (C.), « Traçabilité et vigilance : deux outils complémentaires au service de la sécurité du dispositif médical », RDSS, 2018, p.60.

[106] Cit., Garnier. (E.) ; Perroy. (A.-C.), « Le règlement européen n°2017/745 sur les… ».

[107] Cit., Garnier. (E.) ; Perroy.(A.-C.), « Le règlement européen n°2017/745 sur les… ».  

[108] Règlement (UE) n°2017/745, article.13.

[109] Règlement (UE) n°2017/745, article.14.

[110] Pour plus de détails, voir l’article de MM. Garnier et Perroy.

[111] Cit., Garnier. (E.) ; Perroy. (A.-C.), « Le règlement européen n°2017/745 sur les… ». L’auteur souligne que « [c]es notions méritent une attention particulière car elles sont clés lorsque l’on doit envisager la responsabilité du distributeur ».

[112] Règlement (UE) n°2017/745, article.35 et ss.

[113] Cit., Le Gal Fontes. (C.), Chanet. (M.), « Le rôle et les conditions de surveillance des organismes … ». Les auteurs soulignent que « Ainsi, la Commission européenne dénonçait, depuis plus de dix ans avant la promulgation du présent règlement, la manière dont les ON étaient désignés par chaque État membre. Elle soulignait le manque de transparence dans les certifications des DM, dénonçait le manque d’intégrité de certains ON voire leur manque de compétence ou de rigueur ».

[114] Cit., Le Gal Fontes. (C.), Chanet. (M.), « Le rôle et les conditions de surveillance des organismes … ». 

[115] Conclusions de l’Avocat général Bobek, aff. C-581/18, point 56.

[116] Cit., Dumartin. (C.), « Traçabilité et vigilance … ». L’auteur indique qu’« elle doit être assurée par l’ensemble des opérateurs économiques intervenant dans le circuit du dispositif médical, qui sont bien plus nombreux que dans le domaine du médicament ».

[117] Règlement (UE) n°2017/745, article.27.

[118]  Règlement (UE) n°2017/745, considérant 41 : ce système « devrait accroître considérablement l’effectivité des activités de sécurité des dispositifs après commercialisation, grâce à une meilleure notification des incidents, à des mesures correctives de sécurité ciblées et à un meilleur contrôle par les autorités compétentes. Elle devrait aussi contribuer à réduire le nombre d’erreurs médicales et à lutter contre la falsification de dispositifs. L’utilisation du système IUD devrait également améliorer les politiques d’achat et d’élimination des déchets ainsi que la gestion des stocks par les établissements de santé et d’autres opérateurs économiques et, si possible, être compatible avec d’autres systèmes d’authentification déjà présents dans ces lieux » Voir également l’article 27.

[119] Règlement (UE) n°2017/745, considérant.82. 

[120] Règlement (UE) n°2017/745, annexe XIV.

[121] Règlement (UE) n°2017/745, annexe XIV partie B.

[122] Règlement (UE) n°2017/745, article.96 et ss.

[123] Règlement (UE) n°2017/745, article.83 et ss.

[124] Cit., Dumartin.(C.),  « Traçabilité et vigilance … ».

[125] Règlement (UE) n°2017/745, article.87.

[126] Cit., Adèle. (P.-A.) ; Desmoulin-Canselier. (S.), « Droit des dispositifs médicaux… ».

[127] Cit., Adèle. (P.-A.) ; Desmoulin-Canselier. (S.), « Droit des dispositifs médicaux… ». L’auteur affirme que « (…) les textes antérieurs prévoyaient déjà des contrôles inopinés, lesquels n’ont pas été réalisés faute de volonté des co-contractants (fabricant et certificateur) et faute de moyens de contrôle des autorités de tutelle ».

[128] Cit., Borowczyk et Dharréville, « Rapport d’information n°1734 … », p.34 : « Cette proposition, si elle n’a pas été adoptée lors des dernières discussions doit demeurer un objectif à poursuivre ». Voir également, Monin. (J.), « Implant files » : comment la réglementation européenne permet de certifier des implants inefficaces, voire dangereux, France info, 2018, https://www.francetvinfo.fr/.

[129] Cit., Adèle (P.-A.) ; Desmoulin-Canselier. (S.), « Droit des dispositifs médicaux… ».

[130] Cit., Garnier. (E.) ; Perroy. (A.-C.), « Le règlement européen n°2017/745 sur les… ».

3. Vade Mecum sur la répartition et l’exercice de la compétence sanitaire nationale.

par Adrien Pech
Doctorant en droit de l’Union Européenne IRDEIC
Université Toulouse I Capitole
Membre du comité de rédaction du Journal du Droit Administratif

Voilà une affaire aussi « délicate » qu’« épineuse » à propos de la distinction à opérer entre un accord relevant du pouvoir d’organisation administrative interne de chaque Etat membre et un contrat de marché public[1].

L’affaire en cause au principal porte sur deux accords distincts conclus entre des villes finlandaises, sur le modèle de la « commune responsable » en vertu desquels la ville de Pori doit fournir des services de transport et de santé. Selon ce modèle, une mission devant en principe être réalisée individuellement par chacune des communes, est assumée par l’une d’elles seulement. Cette dernière est alors désignée « commune responsable », pour le compte des autres communes, les « communes contractantes ».  En l’espèce, la commune responsable s’appuie sur une entité liée, c’est-à-dire un opérateur interne, Porin Linjat[2], qu’elle détient intégralement et qu’elle contrôle.

Dans un premier temps, par un accord de coopération[3], cinq villes finlandaises[4] confient certaines missions de transport à la ville de Pori. La commission des transports en commun de la ville de Pori est désignée en tant qu’autorité compétente afin de mettre en œuvre ledit accord[5].

Dans un second temps, par un autre accord de coopération[6], les villes de Pori, d’Ulvila et la commune de Merikarvia ont convenu de transférer à la ville de Pori la responsabilité de l’organisation des services sanitaires pour l’ensemble de leur territoire. En l’espèce, la ville de Pori est désignée « commune responsable ». Il est prévu que le dispositif des services sanitaires est développé conjointement par la commune responsable et par les communes contractantes. La commune responsable est dotée d’un ensemble de missions étendues[7], qu’elle exerce à travers sa commission de garantie des droits sociaux fondamentaux[8].

En 2015[9], ladite commission décide d’attribuer un marché de transport de personnes handicapées sans soumettre d’appel à la concurrence, à Porin Linjat, société par action détenue entièrement par la ville de Pori, selon le régime du contrat  in house, qualifié en droit finlandais d’« attribution à une entité liée »[10]. La société Lyttylän LiikenneOy a contesté la décision d’attribution du marché devant les juridictions finlandaises. La plus haute juridiction administrative nationale soulève plusieurs questions préjudicielles ayant trait au champ d’application du droit des marchés publics de l’Union européenne.

Deux étapes se dégagent du raisonnement suivi par la juridiction. D’une part, celui de la détermination de la  nature de l’accord de transfert de compétences sanitaires. D’autre part celui de la détermination du régime juridique applicable à la décision d’attribution du contrat de service sanitaire à une entité liée dans le cadre de la mise en œuvre dudit accord de transfert de compétences.

Mathias Amilhat relève que deux types de contrats sont exclus de l’application du droit de l’Union européenne des contrats publics. Les premiers en sont exclus parce qu’ils ne peuvent pas être qualifiés de contrats publics[11]. Les seconds parce que, bien que devant, en principe, relever de ce droit, certains d’entre eux « échappent à l’application des règles de publicité et de mise en concurrence »[12]. En l’espèce, il nous semble plus pertinent de rapprocher les deux contrats en cause au principal de la seconde catégorie que de la première. Au sein de cette seconde catégorie de contrat, nous identifions deux types exclusions. Le premier est issu du droit ordinaire[13], le second, du droit constitutionnel de l’Union européenne[14]. Ces deux types d’exclusions diffèrent l’un de l’autre. En effet, l’exclusion issue du droit ordinaire concerne les contrats instituant une coopération entre entités publiques et la gestion in house. Elle a pour conséquence de ne pas appliquer les règles de mise en concurrence et de publicité à des contrats publics. Au contraire, l’exclusion prévue par le droit constitutionnel au visa de l’article 4 § 2 TUE, concerne les contrats instituant un transfert de compétences entre deux entités publiques. La soumission à l’article 4 § 2 TUE[15] prive ces contrats de la qualification de marchés publics. Autrement dit, si les exclusions posées par le droit ordinaire[16] excluent un contrat public du régime juridique normalement applicable à ce type de contrat (II), l’exception prévue par le droit constitutionnel de l’Union prive, en amont, le contrat public de transfert de compétence, de la qualification de contrat de marché public (I).

I. L’exception constitutionnelle empêchant la qualification d’un contrat de  marché public

Le premier problème concerne l’accord intervenu entre les communes finlandaises de transférer à la ville de Pori, désignée comme « commune responsable », des compétences en matière de santé, afin qu’elles soient exercées en commun et non plus individuellement par chacune des parties à l’accord. Il est demandé à la Cour de répondre à la question de savoir si un accord selon lequel des communes confient à une autre commune la responsabilité et l’organisation de services à leur profit, est un transfert de compétence au sens de l’article 4 § 2 TUE[17] ou une coopération entre pouvoirs adjudicateurs. D’emblée, le débat est placé autour de la question de la répartition des compétences au sein de l’ordre juridique national, protégée par l’article 4 § 2 TUE, qui est exclusive de la possibilité de voir qualifier un contrat de marché public (A). La Cour précise les conditions dans lesquelles l’exception fondée sur le droit constitutionnel de l’Union peut s’appliquer (B). 

A. Le refus opposé de qualifier un accord de transfert de compétences sanitaires en contrat de marché public  

D’abord, la Cour rappelle le champ d’application de l’article 4 § 2 TUE. De façon générale, cet article implique, au nom du respect de l’identité nationale, que la répartition des compétences au sein d’un Etat membre soit protégée d’une action de l’Union européenne[18]. De façon spécifique, il implique le respect d’une réorganisation de compétences au sein d’Etat membre pouvant notamment prendre « la forme de transferts volontaires de compétences entre autorités publiques », ayant  « pour conséquence qu’une autorité précédemment compétente se décharge de l’obligation et du droit d’exécuter une mission publique donnée tandis qu’une autre autorité est désormais investie de cette obligation et de ce droit »[19]. Ce faisant, la Cour s’insère dans une jurisprudence[20] constante ainsi que dans une pratique administrative de la Commission[21], reconnaissant la liberté étatique de répartir les compétences sur le plan interne

Ensuite, la Cour rappelle que la règle du respect de l’identité nationale quant aux transferts de compétence consentis, constitue une situation exclusive de la qualification de marché public. En effet, elle distingue la situation correspondant à un transfert de compétences couvert par l’article 4 § 2 TUE et la situation correspondant à la conclusion d’un contrat de marché public. En l’espèce, le transfert de compétences qui conduit à ce que l’autorité qui transfère la compétence se décharge de son obligation et du droit d’exécuter une mission publique au bénéfice d’une autre autorité, ne répond pas à la définition d’un marché public.

Enfin, c’est en tout logique que, « dans ces conditions », la Cour estime qu’il n’est pas « nécessaire d’examiner si l’accord de coopération sur les services de santé est également susceptible de constituer une coopération entre pouvoirs adjudicateurs soustraite à l’obligation de mise en concurrence »[22]. Si l’exception de coopération entre pouvoirs adjudicateurs relève, à l’image de l’exception constitutionnelle découlant de l’article 4 § 2 TUE, de la volonté de l’ordre juridique de l’Union européenne, de respecter l’identité nationale des Etats membres[23], s’exprimant en son versant « ipséité constitutionnelle »[24], il n’en reste pas moins que leurs conséquences sont différentes. En effet, l’exception constitutionnelle empêche la qualification de marché public alors que la qualification de coopération entre pouvoirs adjudicateurs ne fait qu’anesthésier, envers un contrat public, l’application du régime juridique normalement applicable[25]. En l’espèce, le contrat analysé ne satisfaisant pas aux conditions d’un contrat de marché public, l’exception de coopération entre pouvoirs adjudicateurs ne peut lui être appliquée. La Cour encadre l’application de l’article 4 § 2 TUE en posant les deux conditions que doit respecter l’accord en cause au principal afin d’entrer dans son champ d’application et ainsi se voir refuser la qualification de marché public.

B. Les conditions requises pour qualifier un accord de transfert de compétences sanitaires

La Cour pose deux conditions cumulatives. L’une négative, relative à l’impossibilité d’identifier un contrat de marché public (1), l’autre positive, relative à l’identification d’une autonomie organisationnelle et financière accordée à l’autorité qui reçoit la compétence transférée (2).

1.  La condition négative de l’application de l’article 4 § 2 TUE 

La définition d’un marché public suppose la réunion de plusieurs critères. L’existence d’un contrat[26] synallagmatique[27] ainsi que son caractère onéreux[28] sont les deux éléments constitutifs d’un tel acte juridique[29]. Si l’existence d’un contrat n’a pas posé d’immense problème aux juges[30], il en a été autrement de son caractère onéreux. Il s’agit en effet de déterminer ce qu’est une « contrepartie ». Elle peut être constituée par l’exonération d’une dette[31], d’une contribution[32] ou par une rémunération, même si celle-ci est limitée au remboursement des frais déboursés pour fournir de service ou que le cocontractant ne poursuit pas normalement une finalité lucrative[33].  En l’espèce, c’est aussi le critère du caractère onéreux du contrat qui interroge la Cour. In fine, il s’avère défaillant. En effet, un transfert de compétence tel qu’en cause au principal, « ne remplit pas l’ensemble des conditions qu’impose la définition de la notion de « marché public ». En effet, seul un contrat conclu à titre onéreux peut constituer un marché public relevant de la directive 2004/18 »[34]. La Cour rappelle l’exigence d’une contrepartie pour exécuter une prestation devant comporter un intérêt économique direct pour le pouvoir adjudicateur. Or, « le fait même qu’une autorité publique soit déchargée d’une compétence dont elle était précédemment investie fait disparaître, dans son chef, tout intérêt économique à la réalisation des missions qui correspondent à cette compétence. »[35]. Dès lors, en l’absence de caractère onéreux, l’accord conclu ne saurait être qualifié de marché public.

2. La condition positive de l’application de l’article 4 § 2 TUE 

La Cour pose une distinction subtile entre d’une part l’exigence d’autonomie de l’autorité qui reçoit la compétence par rapport à celle qui la transfère et d’autre part la tolérance d’une influence de la seconde sur la première. Elle rappelle, conformément à sa jurisprudence antérieure[36], que, pour être qualifié d’acte d’organisation interne couvert par l’article 4 § 2 TUE, il convient que l’autorité qui reçoit la compétence dispose d’une autonomie organisationnelle et financière, excluant toute intervention de l’autorité qui la transfère[37]. L’autonomie organisationnelle suppose « le pouvoir d’organiser l’exécution des missions qui relèvent de cette compétence ainsi que d’établir le cadre réglementaire relatif à ces missions »[38]. L’autonomie financière suppose « qu’elle dispose d’une autonomie financière permettant d’en assurer le financement »[39].

En revanche, l’autorité qui transfère la compétence peut conserver « un certain droit de regard sur les missions liées au service public » transféré, par l’intermédiaire « d’un organe,  telle une assemblée générale, composée de représentants des collectivités territoriales précédemment compétentes»[40]. Le droit de regard consenti ne doit pas être compris comme un blanc-seing donné à l’autorité qui transfère la compétence dans son rapport avec l’autorité qui la reçoit. La Cour l’encadre en excluant, « en principe, toute immixtion dans les modalités concrètes d’exécution des missions qui relèvent de la compétence transférée »[41].

En l’espèce, l’accord de coopération sur les services de santé confère à la commune responsable plusieurs missions telles que : la responsabilité d’évaluer et de définir les besoins des résidents des communes concernées en matière de services sociaux et de santé, celle de décider de l’ampleur et du niveau de qualité de ces services offerts à ces résidents, celle de veiller à ce que ceux-ci disposent des services nécessaires, ainsi que celle de décider de la manière dont ces services sont fournis, de la disponibilité, de l’accessibilité et de la qualité desdits services, ainsi que du contrôle et du suivi de ceux-ci[42]. L’accord prévoit qu’en pratique, la responsabilité de l’organisation des services sociaux et de santé est confiée à la commission de garantie des droits sociaux de la ville de Pori. Organiquement, la commission est composée de dix-huit membres dont la majorité est nommée par la commune responsable de Pori[43]. Fonctionnellement, il est prévu que l’assemblée communale de la ville de Pori approuve le statut de la commission et détermine le champ d’action, ainsi que les missions de cette dernière. La commission assume la responsabilité des services sociaux et de santé, du dispositif desdits services ainsi que du budget nécessaire. Elle approuve notamment les accords devant être conclus et décide des redevances dues pour les services et les autres prestations concernés, conformément aux critères généraux établis par le l’assemblée communale de la ville de Pori.  Elle établit chaque année un plan des services définissant le contenu spécifique des services, le projet de plan étant préalablement soumis, pour avis, aux communes contractantes de l’accord de coopération sur les services de santé. La gestion économique des services sociaux et de santé repose sur une préparation conjointe. Les coûts sont répartis en fonction de l’utilisation des services sociaux et de santé. Chaque commune paie le coût réel des services utilisés par sa population et les résidents dont elle est responsable.

Suite à l’analyse du fonctionnement de la commission[44], la Cour conclut que « les conditions d’un transfert de compétences, au sens de l’article 4, paragraphe 2, TUE, semblent réunies de sorte que l’accord de coopération sur les services de santé ne paraît pas constituer un « marché public », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/18 »[45]. Dès lors, l’accord en cause au principal « devrait être exclu du champ d’application de la directive 2004/18 »[46].

Une fois posé le principe selon lequel l’accord visant au transfert de compétences sanitaires n’est pas un marché public, mais relève du respect de l’identité nationale des Etats membres, sur le fondement de l’article 4 § 2 TUE, la Cour s’intéresse à la décision, de la commune responsable de Pori d’attribuer, sans mise en concurrence, le contrat de service visant à mettre en œuvre l’accord de transfert de compétences sanitaires consenti (II).

II. L’exception jurisprudentielle empêchant l’application du régime juridique du droit des marchés publics

Le second problème concerne la décision de la commission de la ville de Pori, d’attribuer directement à une société qu’elle détient intégralement, la mission consistant à fournir des services[47] couvrant non seulement ses propres besoins mais également ceux des autres communes parties à l’accord de transfert de compétences, alors que, sans ce transfert de compétences, lesdites communes auraient pourvu seules à ces besoins. La Cour se pose deux questions. D’une part, si la ville de Pori peut être considérée comme un pouvoir adjudicateur au sens de la directive 2004/18 (A) et d’autre part, si elle pouvait valablement se fonder sur l’exception in house pour exciper de l’absence d’obligation de mise en concurrence préalable (B).

A. La nécessaire mise en œuvre de l’accord de transfert de compétences sanitaires par un pouvoir adjudicateur

La question que se pose la Cour concerne la qualification de la ville de Pori de « pouvoir adjudicateur » afin d’attribuer un contrat de services à l’entité liée, dans le cadre de l’exercice de sa compétence sanitaire déterminée par l’accord de transfert de compétences.

La Cour rappelle que, dans le cadre du transfert de compétences de transport et sanitaires, les communes ayant décidé de déléguer leurs compétences à la commune responsable de Pori, se sont dessaisies de leurs propres compétences. Dès lors, la ville de Pori assume, « pour le compte de ces autres communes une mission que chaque commune assurait jusqu’alors elle-même »[48]. La Cour indique que par un effet de subrogation dans les droits et obligations des communes qui transfèrent la compétence « en ce qui concerne la fourniture des services faisant l’objet »[49], la commune responsable est chargée de fournir les services de santé en cause sur le territoire couvert par l’accord de transfert de compétences. En revanche, chaque commune demeure redevable du coût réel des services utilisés par sa propre population et les résidents dont elle est responsable[50].

Nous comprenons que la Cour fait de la correcte mise en œuvre de l’accord de transfert de compétences sanitaires, un critère déterminant. C’est pourquoi, dans une logique fonctionnaliste, elle convoque, à notre sens pour la première fois, la notion d’ « effet utile »[51] de l’accord de transfert de compétences afin de qualifier la commune responsable de pouvoir adjudicateur.  La Cour indique en effet que l’autorité chargée de la mise en œuvre de l’accord de transfert de compétences « doit nécessairement être considérée, dans le cadre de l’attribution d’un service, comme le pouvoir adjudicateur pour cette mission, et ce pour l’ensemble des territoires des communes parties à l’accord qui opère le transfert de compétences »[52]. L’emploi du terme « nécessairement » démontre à quel point il ne pourrait en être autrement sans risquer de mettre en péril la mise en œuvre de l’accord de transfert de compétences sanitaires. Cette affaire nous enseigne que les modalités de la mise en œuvre des compétences étatiques sont nécessairement déterminées par l’objectif poursuivi par leur répartition administrative préalable.

Nous l’observons, la Cour donne le plus grand rôle à la notion de pouvoir adjudicateur[53], seule qualification permettant de garantir la mise en œuvre de l’accord de transfert de compétences sanitaires. Ce faisant, elle adopte une conception large de la notion de pouvoir adjudicateur, conformément à sa jurisprudence, confirmant que « les collectivités territoriales sont, par définition, des pouvoirs adjudicateurs »[54].

B. Le bénéfice de l’exception in house au profit de l’entité liée à la commune recevant la compétence sanitaire 

La question qui se pose est celle de savoir si le pouvoir adjudicateur peut recourir à une entité in house pour répondre non seulement à ses propres besoins mais également à ceux des communes qui lui ont transféré une compétence. Pour que l’exception in house soit constituée, il convient d’une part que le pouvoir adjudicateur exerce sur l’entité attributaire un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services (1) et d’autre part que cette entité réalise l’essentiel de son activité au profit du ou des pouvoirs adjudicateurs qui la détiennent (2)[55].

1. La satisfaction du critère du contrôle analogue

 Conformément à sa jurisprudence constante, la Cour rappelle que le premier critère est rempli lorsque le pouvoir adjudicateur détient, seul ou ensemble avec d’autres pouvoirs publics, la totalité du capital d’une société adjudicataire[56]. Que ce soit seule ou avec les communes contractantes, la ville de Pori est envisagée, dans les deux situations comme possédant sur, l’entité liée, un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services.

D’une part, la Cour démontre que la ville de Pori peut être considérée comme étant le seul pouvoir adjudicateur et qu’elle exerce effectivement le contrôle requis. En l’espèce, en attribuant le contrat à Porin Linjat, le pouvoir adjudicateur recherche la satisfaction des besoins de l’ensemble des communes parties à l’accord de transfert de compétences sanitaires, qui ne détiennent pourtant aucune participation dans le capital de la société. Ce seul fait, qui présente un caractère inédit pour la Cour, ne saurait permettre d’en déduire que la gestion in house ne pouvait pas être utilisée[57]. En effet, le mécanisme mis en place dans le cadre du modèle de la « commune responsable » finlandais prévoit un transfert de responsabilité entre les communes qui transfèrent la compétence et celle qui la reçoit, de sorte que cette dernière « assume pour le compte des communes contractantes les missions que celles-ci lui ont confiées »[58]. La commune de Pori devient le seul pouvoir adjudicataire pour ces missions.

D’autre part, la Cour démontre que, même dans l’hypothèse où la ville ne serait pas considérée comme le seul pouvoir adjudicateur, le critère du contrôle analogue serait rempli. En effet, le modèle de la « commune responsable » donne la possibilité aux communes parties à l’accord de transfert de coopération, en dépit du fait qu’elles ne possèdent pas de participation au capital de l’entité in house, « d’exercer, à l’instar de la commune responsable, une influence déterminante tant sur les objectifs stratégiques que sur les décisions importantes de l’entité attributaire et, partant, un contrôle effectif, structurel et fonctionnel sur cette entité »[59].

2. La satisfaction du critère de l’activité réalisée

L’entité attributaire doit réaliser l’essentiel de ses activitésau profit du ou des pouvoirs adjudicateurs qui la détiennent, étant entendu que « dans l’hypothèse où une entreprise est détenue par plusieurs collectivités, cette condition peut être satisfaite si cette entreprise réalise l’essentiel de son activité avec ces collectivités prises dans leur ensemble et pas seulement avec l’une de ces collectivités en particulier »[60]. Cette exigence a pour objet de garantir que la directive demeure applicable « dans le cas où une entreprise contrôlée par une ou plusieurs collectivités est active sur le marché, et donc susceptible d’entrer en concurrence avec d’autres entreprises »[61]. Par conséquent, la Cour examine si des services attribués à une entité in house sur le fondement des deux accords de coopération peuvent être assimilés à des activités réalisées au profit du pouvoir adjudicateur. Elle indique que la mise en œuvre des deux accords de coopération semblent comporter « un certain nombre de garanties de nature à empêcher que l’entité in house n’acquière une vocation de marché et une marge de manœuvre qui rendraient précaire le contrôle exercé tant par la ville de Pori que par ses partenaires contractuels »[62]. Afin de déterminer si l’entité in house réalise l’essentiel de ses activités au profit du ou des pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent, il convient de tenir compte de l’ensemble des activités qu’elle réalise dans le cadre des deux accords de coopération en cause au principal. Dès lors, « il convient d’additionner le chiffre d’affaires réalisé par cette société à la demande de cette ville au titre de l’accord de coopération sur les services de santé » et celui réalisé au titre « de l’accord de coopération sur les transports publics, d’autre part, en vue de satisfaire à ses propres besoins, à celui réalisé par cette société à la demande des communes parties auxdits accords »[63]. La Cour conclut en la possibilité, pour la commune de Pori de bénéficier de l’exception in house pour « les services couvrant non seulement ses propres besoins mais également ceux des autres communes parties audit accord »[64].

L’affaire Porin kaupunki fait observer la ventilation suivante. Si la décision de transférer des compétences sanitaires nationales entre collectivités territoriales échappe en principe au droit de l’Union européenne, les modalités de la mise en œuvre des compétences transférées entrent dans son champ d’application par le truchement de la notion de pouvoir adjudicateur, quand bien même in fine et en l’espèce, le régime juridique normalement applicable se trouve paralysé.


[1] DURVIAUX A L. « Un transfert de compétences entre deux personnes publiques n’est pas u marché public », RTD Eur., 2017, p. 199. La question n’est cependant pas nouvelle, comme le démontre la jurisprudence de la Cour. V. not. CJUE 13 juin 2013, Piepenbrock, affaire C-386/11, EU:C:2013:385, AJDA 2013. 1751, note J.-D. Dreyfus ; AJCT 2013. 575, obs. Y. Simonnet ; RFDA 2013. 1231, chron. C. Mayeur-Carpentier, L. Clément-Wilz et F. Martucci ; RTD eur. 2014. 496, obs. A. L. Durviaux ; Rev. UE 2014. 641, chron. C. Bernard-Glanz, L. Levi et S. Rodrigues ; CJCE, 20 octobre 2005, Commission c/ France, affaire C-264/03, EU:C:2005:620, AJDA 2006 247,  AJDA 2005. 2037 ; RDI 2005. 447, obs. J.-D. Dreyfus. 

[2] CJUE, 18 juin 2020,Porin kaupunki, affaire C-328/19, EU:C:2020:483, point 44.

[3] Entré en vigueur le 1er juillet 2012. V. CJUE, 18 juin 2020, Porin kaupunki, op. cit., point 21.

[4] Il s’agit des villes de Pori, d’Harjavalta, de Kokemäki, d’Ulvila et de la commune de Nakkila (Finlande). V. Ibid.

[5] Organiquement, elle est constituée de membres désignés à égale mesure par leurs deux parties à l’accord. Cinq membres sont désignés par la ville de Pori tandis que cinq autres sont désignés par chacune des cinq communes finlandaises parties à l’accord. Fonctionnellement, elle est régie d’une part par un statut approuvé par l’assemblée communale de la ville de Pori et d’autre part par des règles de gestions approuvées par elle-même. Elle agit en tant qu’autorité régionale compétente commune en matière de transports pour la zone couvrant le territoire des parties à cet accord, sous l’autorité de l’assemblée communale et du conseil exécutif communal de la ville de Pori. Sur ce territoire, elle décide notamment des modalités d’organisation et de l’attribution des transports en commun exploités dans sa zone de compétence et approuve les contrats devant être conclus et décide des tarifs et des redevances.

[6] Conclu le 18 décembre 2012. V. CJUE, 18 juin 2020, Porin kaupunki, op. cit., point 25. 

[7] « Elle évalue et définit les besoins des résidents en matière de services sociaux et de santé, décide de l’ampleur et du niveau de qualité de ces services offerts aux résidents, veille à ce que ceux-ci disposent des services nécessaires et décide également de la manière dont lesdits services sont fournis. Elle est par ailleurs responsable de la disponibilité, de l’accessibilité et de la qualité des services sociaux et de santé, ainsi que du contrôle et du suivi de ceux-ci ». V. Ibid., point 28.

[8] Organiquement, la commission est composée de dix-huit membres dont la majorité sont nommés par la commune responsable de Pori (Treize pour la ville de Pori, contre trois pour la ville d’Ulvila et deux pour la commune de Merikarvia. V. Ibid., point 29). Fonctionnellement, il est prévu que l’assemblée communale de la ville de Pori approuve le statut de la commission et détermine le champ d’action, ainsi que les missions de cette dernière. La commission assume la responsabilité des services sociaux et de santé, du dispositif desdits services ainsi que du budget nécessaire. Elle approuve notamment les accords devant être conclus et décide des redevances dues pour les services et les autres prestations concernés, conformément aux critères généraux établis par le l’assemblée communale de la ville de Pori. Elle établit chaque année un plan des services définissant le contenu spécifique des services, le projet de plan étant préalablement soumis, pour avis, aux communes contractantes de l’accord de coopération sur les services de santé. La gestion économique des services sociaux et de santé repose sur une préparation conjointe. Les coûts sont répartis en fonction de l’utilisation des services sociaux et de santé. Chaque commune paie le coût réel des services utilisés par sa population et les résidents dont elle est responsable.

[9] Par décision en date du 4 mai 2015. V. Ibid., point 30. 

[10] Ibid.

[11] A l’image des contrats dits « d’administration » conclus dans le domaine de la santé telles que, les conventions passées entre la Caisse primaire d’assurance maladie et les professions médicales qui permettent « principalement de régler les relations financières entre les professions médicales et la sécurité sociale, elles n’ont donc pas pour objet d’obtenir une prestation qu’un autre opérateur pourrait également fournir sur le marché. » (AMILHATM.,  La notion de contrat administratif. L’influence du droit de l’Union européenne, Toulouse, thèse dactylographiée, 2014, p. 487. Thèse consultée en version dactylographiée ayant cependant fait l’objet d’une publication. V. AMILHATM., La notion de contrat administratif. L’influence du droit de l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2014). Selon l’auteur, il est possible de justifier leur absence de prise en compte par le droit de l’Union européenne des contrats publics par le fait qu’ils ne peuvent être placés dans une logique concurrentielle (Ibid). Ils n’ont dès lors aucun lien avec le marché intérieur (AMILHATM., op. cit., p. 485).

[12] AMILHATM., op. cit., p. 484.

[13] Souvent jurisprudentiel dans un premier temps, puis codifié par la Cour aux termes d’une directive V. par exemple pour la gestion in house l’affaire Teckal (CJCE 18 novembre 1999, Teckal, affaire C-107/98, EU:C:1999:562). Pour la coopération public-public, V. CJCE, 29 octobre 2009, Commission c/ Allemagne, affaire C-536/07, EU:C:2009:664. Sur la codification de ces exceptions, V. not. CLAMOUR G., « Les marchés exclus », Contrats et Marchés publics, dossier 3, n° 10, octobre 2015 ; ZIMMER W., « Remarques concernant les exclusions applicables aux relations internes au secteur public », Contrats et Marchés publics, dossier 4, n° 10, octobre 2015 ; CLAMOUR G., « Marchés et concessions « entre entités dans le secteur public » », Contrats et Marchés publics, dossier 6, n° 6, juin 2014 (ce dernier article constitue la contribution du Professeur Clamour au colloque organisé par l’Institut Maurice Hauriou de l’Université Toulouse 1 Capitole en 2014 : Les directives « marchés publics » et « concessions »).   

[14] Article 4 § 2 TUE.

[15] « L’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. En particulier, la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre ».

[16] De nature jurisprudentielle à l’époque des faits du litige en cause au principal. 

[17] A ce jour, l’exception constitutionnelle a été intégrée dans le droit dérivé. V. L’exception constitutionnelle est à présent intégrée dans le droit dérivé qui dispose que « les accords, décisions ou autres instruments juridiques, qui organisent le transfert de compétences et de responsabilités en vue de l’exécution de missions publiques entre pouvoirs adjudicateurs ou groupements de pouvoirs adjudicateurs et qui ne prévoient pas la rémunération de prestations contractuelles, sont considérés comme relevant de l’organisation interne de l’État membre concerné et, à ce titre, ne sont en aucune manière affectés par la présente directive » (article 1er, paragraphe 6, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 65–242).

[18] CJUE, 21 décembre 2016, Remondis, affaire C‑51/15, EU:C:2016:985, points 40 et 41.

[19] CJUE, 18 juin 2020, Porin kaupunki, op. cit., point 46.

[20] CJUE, 12 juin 2014, Digibet et Albers, affaire C‑156/13, EU:C:2014:1756, point 33; CJUE, 3 avril 2014, Cascina Tre Pini, affaire C‑301/12, EU:C:2014:214, point 42 ; CJUE, 4 octobre 2012, Commission c/ Belgique, affaire C‑391/11, EU:C:2012:611, point 31; CJCE, 16 juillet 2009, Horvath, affaire C‑428/07, EU:C:2009:458, points 49 et 50.

[21] La Commission a déjà clôturé des procédures d’infraction engagée contre l’Allemagne en considérant que le transfert complet d’un service public d’une entité publique à une autre, relève de l’organisation interne de l’administration publique de l’État membre concerné, échappant à toute soumission au droit de l’Union européenne. V. Voir communiqué de presse du 21 mars 2007 (IP/07/357).

[22] CJUE, 18 juin 2020, Porin kaupunki, op. cit., point 57.

[23] CJCE, 4 juin 2008, conclusions Trstenjak V., point 85, dans l’affaire Coditel Brabant (CJCE, 13 novembre 2008, Coditel Brabant, affaire C‑324/07, EU:C:2008:621) : « Enfin, le traité de Lisbonne souligne le rôle de l’autonomie régionale et locale pour les identités nationales respectives, qu’il convient de respecter ».

[24] BLANQUET M., « Mêmeté et ipséité constitutionnelles dans l’Union européenne » in BLANQUET M., GROVE-VALDEYRON N. (dir.), Mélanges en l’honneur du Professeur Joël Molinier, Paris, L.G.D.J., 2012, p. 54-91. C’est-à-dire, concernant les « éléments appréhendés différemment dans chaque État selon une « dimension individuelle » », en fonction de « leurs particularités, leur singularité », V. LEHMANN P-E., Réflexions sur la nature de l’Union Européenne à partir du respect de l’identité nationale des Etats membres, Nancy, thèse dactylographiée, 2013, p. 277).

[25] En 2012, dans un arrêt Lecce (CJUE, 19 décembre 2012, Lecce e.a., affaire C-159/11, EU:C:2012:817. Cet arrêt a notamment été confirmé par CJUE, 13 juin 2013, Piepenbrock, affaire C-386/11, EU:C:2013:385. ; CJUE, 8 mai 2014, arrêt, Technische Universität Hamburg-Harburg, affaire C-15/13, EU:C:2014:303), la Cour  confirme et affine l’arrêt Commission c/ Allemagne (CJCE, 9 juin 2009, Commission c/Allemagne, affaire C‑480/06, EU:C:2009:357) en consacrant la coopération horizontale comme une exception générale à mettre à côté de la gestion in house. La Cour pose très clairement les conditions (cumulatives) dans lesquelles la coopération horizontale sera caractérisée : une coopération entre entités publiques ; qu’elle ait pour objet d’assurer la mise en œuvre de taches d’intérêt public communes ; ces contrats doivent être conclus exclusivement par des entités publiques ; aucun prestataire privé ne doit être placé dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents et, la coopération est exclusivement régie par des considérations et des exigences propres à la poursuite d’objectifs d’intérêts publics. Cette exception résulte de la volonté de permettre le développement des coopérations intercommunales pures soustraites aux règles de passation posées par le droit de l’Union.

[26] Le nouvel article 1101 du Code civil tel qu’issu de l’ordonnance du 10 février 2016 dispose que « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ».

[27] Ann Lauwrence Durviaux (« Un transfert de compétences entre deux personnes publiques n’est pas un marché public », RTD Eur., 2017, p. 199) considère que la jurisprudence de la Cour fait pour la première fois, en 2016 (CJUE, 21 décembre 2016, Remondis, C-51/15, EU:C:2016:985, point 43), du caractère synallagmatique de l’acte, un critère d’identification du contrat de marché public. En effet, elle indique que jusqu’alors seuls les avocats généraux avaient mentionnés cette caractéristique du contrat de marché public. V. conclusions Trstenjak V. point 47, dans l’affaire Commission c/ Allemagne (CJCE 29 octobre 2009, Commission c/ Allemagne, affaire C-536/07, EU:C:2009:340, AJDA 2010. 248, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat ; RDI 2010. 149, obs. S. Braconnier) ; conclusions  Jääskinen N., points 84 et 87, dans l’affaire Commission c/ Espagne (CJUE, 26 mai 2011, Commission c/ Espagne, affaire C-306/08, EU:C:2010:528, AJDA 2011. 1614, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat ; RTD eur. 2012. 640, obs. A. L. Durviaux). Il nous semble que la référence explicite au caractère synallagmatique contrat n’est pas tant une modification des critères d’identification d’un contrat de marché public que la conséquence du critère de l’onérosité du contrat. En effet, la Cour, autant dans l’affaire Remondis (point 43), que dans l’affaire Porin kaupunki (point 47),fait directement découler (« ainsi ») l’emploi du critère du caractère synallagmatique du contrat de son caractère onéreux. Le caractère synallagmatique du contrat est bien une conséquence de son caractère onéreux. Dès lors, cette nouvelle référence explicite apparaît plutôt comme une autre manière de formuler et de présenter les critères d’identification du contrat de marché public qu’un nouveau critère de définition.   

[28] Le nouvel article 1107 du Code civil tel qu’issu de l’ordonnance du 10 février 2016 dispose que : « Le contrat est à titre onéreux lorsque chacune des parties reçoit de l’autre un avantage en contrepartie de celui qu’elle procure ». Selon Pierre DELVOLVE, (« Les contrats de la « commande publique » », RFDA, 2016, p. 200), il est possible de reprendre cette définition civiliste en ce que tant le droit public interne que le droit de l’Union utilisent la même définition.  Voir la jurisprudence de la Cour sur le caractère onéreux du contrat : CJUE, 25 mars 2010, Helmut Müller, affaire C-451/08, EU:C:2010:168, point 48 : « Le caractère onéreux du contrat implique que le pouvoir adjudicateur ayant conclu un marché public de travaux reçoive en vertu de celui-ci une prestation moyennant une contrepartie » ; CJCE, 18 janvier 2007, Jean Auroux e.a., affaire C-220/05, EU:C:2007:31 ; CJCE, 12 juillet 2001, Ordine degli Architetti e.a., affaire C- 399/98, EU:C:2001:401.  

[29] Article 5.1 de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession (JO L 94 du 28.3.2014, p. 1–64); article 2.5 de la directive 2014/24/UE, op. cit.

[30] Voir en ce sens : DELVOLVE P. « Les contrats de la « commande publique », RFDA, 2016, p. 200. L’auteur pose néanmoins la réserve de l’hypothèse où se « combinent des prescriptions réglementaires et des conventions réalisant leur mise en œuvre. Tantôt doit être reconnue l’existence d’un lien contractuel, tantôt non ». Mais, l’objet de l’étude du présent mémoire ne nécessite pas de discuter ce point.

[31] CJCE, 12 juillet 2001, Ordine degli Architetti e.a., op. cit.

[32] CE, ass., 4 nov. 2005, Société Jean-Claude Decaux, n° 247298.

[33] CJUE, 19 décembre 2012, Lecce, op. cit.

[34] CJUE, 21 décembre 2016, Remondis, op. cit., points 42 à 44 ; CJUE, 18 juin 2020, Porin kaupunki, op. cit., point 47. 

[35] Ibid.

[36] CJCE, 20 octobre 2005, Commission c/ France, op. cit.

[37] « L’autorité initialement compétente ne saurait donc conserver la responsabilité principale concernant ces mêmes missions, ni se réserver le contrôle financier de celles-ci ou approuver au préalable les décisions qui sont envisagées par l’entité qu’elle s’adjoint. Un transfert de compétences postule donc que l’autorité publique nouvellement compétente exerce cette compétence de manière autonome et sous sa propre responsabilité », CJUE, 18 juin 2020, Porin kaupunki, op. cit., point 48 se fondant sur  CJUE, 21 décembre 2016, Remondis, op. cit., points 49 et 51.

[38] CJUE, 18 juin 2020, Porin kaupunki, op. cit., point 48.

[39] Ibid.

[40] Ibid., point 49.

[41] Ibid., point 49, citant CJUE, 21 décembre 2016, Remondis, op. cit., point 52.

[42] Ibid., point 51. 

[43]Treize pour la ville de Pori, contre trois pour la ville d’Ulvila et deux pour la commune de Merikarvia. V. point 29.

[44] CJUE, 18 juin 2020, Porin kaupunki, op. cit., points 50 à 55.

[45] Ibid., point 56.

[46] Ibid.

[47] Il s’agit de services de transport de personnes handicapées.

[48] Ibid., point 61.

[49] Ibid., point 62 (souligné par nous). 

[50] Ibid., point 63.

[51] Ibid., point 64.

[52] Ibid.

[53] Pour une codification des différentes catégories de pouvoirs adjudicateurs, V. article 2 de la directive 2014/24/UE, op. cit.

[54] CJCE, 18 novembre 2004, Commission c/ Allemagne, affaire C-126/03, EU:C:2004:728.

[55] CJCE, 11 mai 2006, Carbotermo et Consorzio Alisei, affaire C‑340/04, EU:C:2006:308, point 33 ; CJCE, 18 novembre 1999, Teckal, op. cit., point 50.

[56] CJCE, 13 novembre 2008, Coditel Brabant, op. cit., point 30 ; CJCE, 19 avril 2007, Asemfo, affaire C‑295/05, EU:C:2007:227, point 57.

[57] CJUE, 18 juin 2020, Porin kaupunki, op. cit., point 68.

[58] Ibid., point 69.

[59]  Ibid., point 70. V. par analogie la jurisprudence citée CJUE, 8 mai 2014, Datenlotsen Informationssysteme, affaire C‑15/13, EU:C:2014:303, point 26 ; CJUE, 29 novembre 2012, Econord, affaires jointes C‑182/11 et C‑183/11, EU:C:2012:758, point 27 ; CJCE, 11 mai 2006, Carbotermo et Consorzio Alisei, op. cit., point 36 ; CJCE, 13 octobre 2005, Parking Brixen, affaire C‑458/03, EU:C:2005:605, point 65.

[60]CJUE, 18 juin 2020, Porin kaupunki, op. cit., point 71.V. en ce sens CJCE, 11 mai 2006, Carbotermo et Consorzio Alisei, op. cit, points 70 et 71.

[61] CJUE, 18 juin 2020, Porin kaupunki, op. cit., point 71.

[62] Ibid., point 73. V. par analogie la jurisprudence citée CJCE, 13 novembre 2008, Coditel Brabant, op. cit, point 36. 

[63] CJUE, 18 juin 2020, Porin kaupunki, op. cit., point 76.

[64] Ibid., point 79.

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