Archive mensuelle 31 mars 2021

ParJournal du Droit Adminisitratif

Bataille autour de la liberté d’aller et venir en Castilla y León

Adrien Pech
ATER en Droit Public
Université Toulouse 1 Capitole

La gestion constitutionnelle
d’une crise exceptionnelle.
Bataille autour de la liberté
d’aller et venir en Castilla y León

Observations sous Tribunal Suprême espagnol,
16 février 2021, Acuerdo del Presidente de la Junta de Castilla y León, n°12/2021

Art. 325.

L’action du pouvoir exécutif pendant la pandémie de COVID-19 a été scrutée[1] et contestée[2]. Aucun « exécutif » n’est épargné, qu’il soit national[3] ou régional. Le 16 février 2021, le Tribunal Suprême espagnol a prononcé une décision concernant une mesure de couvre-feu régionale.

En l’espèce, le 15 janvier 2021, le Président de la Junta[4] de la communauté autonome de Castilla y León adopte la décision 2/2021 sur le fondement de l’article 5.2 du décret royal 926/2020 du 25 octobre 2020 déclarant l’état d’alarme[5].

La décision prévoit qu’un couvre-feu soit instauré sur l’ensemble du territoire de la communauté autonome à compter de 20 heures[6], jusqu’à 6 heures du matin[7]. Dans cette plage horaire, la circulation des personnes est interdite sauf lorsqu’elle sera en lien avec l’une des activités listées à l’article 5.1 du décret royal 926/2020[8], à savoir, l’acquisition de médicaments, produits sanitaires ou biens de première nécessité[9], pour se rendre dans des centres médicaux[10], dans des établissements vétérinaires en urgence[11], pour respecter une obligation professionnelle, administrative ou répondre à une convocation judiciaire[12], pour rentrer à son lieu de résidence habituel après avoir réalisé l’une des activités citées aux termes de ce paragraphe[13], pour assister une personne dépendante ou vulnérable[14], pour une raison de force majeure ou de nécessité[15], pour toute autre raison analogue à la condition qu’elle soit dument justifiée[16] et pour le ravitaillement nécessaire en carburant  afin de réaliser l’une des activités précitée[17].

La contestation de la décision 2/2021 devant le Tribunal Suprême espagnol met en exergue la difficulté pour le pouvoir exécutif régional de Castilla y León, de gérer une crise exceptionnelle tout en restant dans les limites constitutionnelles.

En l’espèce, la confrontation entre la légalité constitutionnelle et l’exceptionnalité sanitaire (I), est tranchée par le Tribunal Suprême espagnol en faisant primer le premier impératif sur le second (II).

I. La confrontation entre la légalité constitutionnelle et l’exceptionnalité sanitaire 

L’exécutif central espagnol a saisi le Tribunal Suprême d’une demande de suspension de l’application des points 1 et 3 de l’article primero de la décision, à savoir l’horaire de début du couvre-feu et l’interdiction de circulation qui en résulte. En effet, selon le requérant, ces dispositions iraient au-delà de l’article 5.2 du décret royal 926/2020 qui autorise une restriction de la liberté de circulation à partir de 22 heures et non avant cet horaire[18]. Selon le gouvernement espagnol, le Président d’une communauté autonome n’est pas compétent afin d’ajouter ou d’aggraver une restriction prévue à l’article 5 du décret royal précité[19].    

De l’autre côté de la barre, suivant la logique bien connue des « circonstances exceptionnelles »[20], qui permet par exemple à un pouvoir exécutif de fonder un acte réglementaire[21], la communauté autonome soutient que la situation épidémiologique « más que excepcional » dans la communauté, fait courir un « riesgo evidente y real » pour la santé et la vie humaine[22]. C’est pourquoi, la mesure adoptée doit être maintenue sous peine d’une entrave à l’intérêt général[23] et d’une atteinte à l’article 43 de la Constitution reconnaissant le droit à la protection de la santé ainsi qu’à l’article 15 qui protège le droit à la vie et à l’intégrité physique des individus[24]. La communauté autonome demande donc à ce que la protection de la santé, de la vie et de l’intégrité physique des individus prévale sur leur liberté d’aller et de venir en démontrant que la mesure adoptée respecte le principe de proportionnalité[25]. La défenderesse considère par ailleurs qu’elle était fondée à adopter la mesure contestée sur le fondement du décret royal susvisée puisqu’en ses articles 9 et 10, il autorise notamment les communautés autonomes à « moduler » les mesures énoncées par ledit décret. Or, selon elle, ce verbe doit être interprété comme pouvant servir de fondement juridique à une aggravation des mesures[26].

II. La protection de la légalité constitutionnelle malgré l’exceptionnalité sanitaire

La décision du Tribunal Suprême espagnol fait droit à la demande de suspension des dispositions précitées aux termes d’une analyse sur le terrain des droits et libertés fondamentaux que la Constitution espagnole garantit.

En effet, le Tribunal Suprême considère que toute restriction ou limitation d’un droit ou d’une liberté fondamentale, tel que la liberté d’aller et venir, ne peut intervenir que dans le cadre des règles constitutionnelles. La déclaration de l’état d’alarme peut justifier des restrictions aux droits et libertés des individus. Néanmoins, formellement, il convient que de telles mesures soient expressément prévues aux termes du décret portant déclaration de l’état d’alarme.  

Concrètement, le Tribunal Suprême exige que les dispositions régionales imposant une restriction à la liberté d’aller et de venir entrent dans le champ d’application des mesures prévues par le décret portant déclaration de l’état d’alarme. Or, en l’espèce, ledit décret prévoit que les restrictions à la liberté de circulation peuvent intervenir entre 22 heures et 6 heures du matin, sans qu’il ne soit possible d’aggraver ces dispositions. Dès lors, la Communauté autonome n’était pas fondée à soutenir qu’elle pouvait aggraver les dispositions du décret portant déclaration de l’état d’alarme en imposant un couvre-feu à compter de 20 heures[27].

Ce faisant, la défenderesse a dépassé le champ d’application de l’habilitation qui lui est donnée par l’article 5 du décret royal précité. La décision du Président de la Junta de la communauté autonome a été adoptée en méconnaissance des règles de compétence matérielle applicables.  Le Tribunal précise que la protection de la santé et de la sécurité des citoyens est la finalité commune tant de l’exécutif national que de l’exécutif régional. En revanche, il ajoute, d’une manière qui rendrait (presque) le juriste français envieux[28], qu’en tout état de cause, et quelle que soit l’état de la situation sanitaire, les restrictions apportées aux droits et libertés fondamentaux doivent s’inscrire dans la légalité constitutionnelle, tant du point de vue formel que du point de vue des règles de compétence[29]. Par conséquent, le Tribunal Suprême fait droit à la demande de suspension provisoire des dispositions de la décision 2/2021 du Président de la Junta de la communauté autonome de Castilla y León.

Dans ses observations sous la décision du Conseil constitutionnel, Loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, Michel Verpeaux avait ouvert son propos en affirmant : « A situation exceptionnelle, décision anormale »[30]. A l’inverse, dans cette décision, le Tribunal Suprême espagnol décide d’assortir une décision « normale » à une situation « más que excepcional », en s’inscrivant dans la légalité procédurale. Plus que jamais, à « situation exceptionnelle », les juges doivent rendre des « décisions ordinaires ». 

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2021 ;
Chronique administrative ; Art. 325.


[1] Colloque virtuel. Droit et coronavirus. Le droit face aux circonstances sanitaires exceptionnelles, 30 et 31 mars 2020.

[2] HENNETTE VAUCHEZ S., SLAMA S., « La valse des états d’urgences », AJDA, 2020, p. 1753.

[3] En France, par exemple, l’ordonnance prononcée par le Conseil d’Etat le 22 mars 2020 (Syndicat Jeunes Médecins, n°439674, comm. Pastor, AJDA, 2020, p. 655 ; X. Dupré de Boulois, RDFL, 2020, Chron. n° 12 ; Touzeil Divina, JDA, Actions & reactions au COVID-19, 2020, art. 281), a été la première décision d’une longue série. V. PASTOR J-M., « Des référés-liberté tous azimuts », AJDA, 2020, p. 756 ; DE MONTECLER M-C., « Des référés-liberté tous Les tribunaux administratifs à leur tour sur le front de l’épidémie », AJDA, 2020, p. 757. Sur un état des lieux du contrôle des mesures de police adoptées, V. SYMCHOWICZ N., « Etat d’urgence sanitaire et contrôle juridictionnel des mesures de police. Regard critique sur l’office du juge administratif », AJDA, 2020, p. 2001.

[4] En raison de l’imprécision d’une traduction de ce terme par « gouvernement », il sera conservé en langue espagnole.

[5] Real Decreto 926/2020, de 25 de octubre, por el que se declara el estado de alarma para contener la propagación de infecciones causadas por el SARS-CoV-2, BOE núm. 282, de 25 de octubre de 2020, páginas 91912 a 91919 (8 págs.).

[6] Acuerdo 2/2021 du Président de la Junta de la communauté autonome de Castilla y León, BOJCyL de 16 de enero de 2021, primero, 1.

[7] Ibid., primero, 2.

[8] Ibid., primero, 3.

[9] Real Decreto 926/2020, op. cit., article 5.1, a.

[10] Ibid., article 5.1, b.

[11] Ibid., article 5.1, c.

[12] Ibid., article 5.1, d.

[13] Ibid., article 5.1, e.

[14] Ibid., article 5.1, f.

[15] Ibid., article 5.1, g.

[16] Ibid., article 5.1, h.

[17] Ibid., article 5.1, i.

[18] TS, 16 février 2021, Acuerdo del Presidente de la Junta de Castilla y León, n°12/2021, p. 5.

[19] Ibid., p. 6.

[20] FAURE B., « Théorie et pratique des compétences des collectivités territoriales face à la crise sanitaire », AJDA, 2020, p. 1727.

[21] Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19, JORF n°0066 du 17 mars 2020.

[22] TS, 16 février 2021, op. cit., p. 8.

[23] Ibid., p. 7.

[24] Ibid., pp. 7 – 8.

[25] Ibid., p. 8.

[26] Ibid., p. 10.

[27] Ibid., p. 14.

[28] Nous faisons notamment référence à la décision du Conseil constitutionnel du 26 mars 2020, Loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, n° 2020-799 DC, V. not. MAGNON X., « Les principes d’un droit constitutionnel jurisprudentiel d’exception », AJDA, 2020, p. 1257 ; LETTERON R., « Covid-19 : Le Conseil constitutionnel marche sur la Constitution », Blog Liberté, Libertés chéries, 28 mars 2020.

[29] En vertu de l’article 116.2 de la Constitution et de la loi organique 4/1981.

[30] VERPEAUX M., « Loi organique d’urgence sanitaire et question prioritaire de constitutionnalité », AJDA, 2020 p. 839.

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ParJDA

L’animal & le droit administratif

Art. 266.

Le Jda (Journal du droit administratif ; ISSN 2494-6281) est un journal juridique en ligne (cfhttp://www.journal-du-droit-administratif.fr/) qui, depuis 2016, fait revivre le premier média français spécialisé en droit administratif créé à Toulouse en 1853. En novembre 2019, le Jda continue sa progression et vous propose de participer à un huitième dossier « mis à la portée de tout le monde » qui fera l’objet d’une publication en ligne courant 2021.

L’animal et le droit administratif

Le droit en est croassant,
son actualité est rugissante.
L’animal est au cœur du droit administratif.

Voici donc notre prochain dossier portant sur « L’animal et le droit administratif ». Deux principales raisons ont conduit le comité de rédaction -approuvé par l’assemblée générale-, à s’intéresser à cette question.

D’une part, la question de l’animal, sans même la teinter d’un aspect « protection des droits », est au cœur des préoccupations des individus. L’actualité ne saurait le démentir. Or, le Journal de Droit Administratif, rappelons-le, a pour objectif de se départir d’une vision élitiste –qui perdure-, du droit administratif, afin de le placer « à la portée de tout le monde » (V. not. Journal du Droit Administratif (JDA), 2019, Eléments d’histoire(s) du JDA (1853-2019) II / III [Touzeil-Divina Mathieu] ; Art. 254). Dès lors, s’emparer d’une question relevant d’un intérêt citoyen et populaire croissant, correspond à l’accomplissement de ce qui constitue la toute première mission du journal et ce, depuis sa création en  1853.

D’autre part, la question de l’animal fait l’objet d’un intérêt, déjà ancien, de la part de la doctrine privatiste (V. not. MARGUENAUD, J-P., L’Animal en droit privé, Limoges, Publications de la faculté de droit et de sciences économiques de l’Université de Limoges, 1992). Néanmoins, les études relatives au droit public et, particulièrement au droit administratif, sont plus éparses et rares (Sur ce constat, V. PAULIAT, H.,  « Les animaux et le droit administratif », Pouvoirs, 2009/4 (n° 131), p. 57-72). Or, le Journal de Droit Administratif a la volonté de proposer des thèmes de recherches permettant de faire avancer la connaissance dans des domaines encore peu défrichés par la doctrine. Dès lors,  la perspective d’ouvrir une réflexion d’ensemble sur la place de l’animal en droit administratif recèle, à n’en pas douter, d’un intérêt certain. En effet,  la question de l’animal est observable à la fois dans une dimension contentieuse et non contentieuse de sorte que son étude permettra de balayer l’étendue du spectre du droit administratif français, de l’Union européenne, international et étranger.

Sous la direction de :
– Madame le Professeur Isabelle Poirot-Mazères (UT1, IMH),
– Monsieur le Professeur Mathieu Touzeil-Divina (UT1, IMH),
– Monsieur Adrien Pech (UT1, IRDEIC),
le présent appel à contribution(s) est lancé selon le calendrier suivant – sensiblement modifié du fait de la pandémie de Covid-19 – :  

Printemps 2021 : dernier (r)appel à contributions : vous pouvez envoyer vos propositions de contributions (environ 2000 caractères) accompagnées d’un court CV ; ces propositions sont libres dans la thématique de l’animal & du droit administratif étant entendu que les thèmes non exhaustifs suivants sont encore selon nous à explorer :

Les virus & le droit administratif ;
Le « droit à la vie » de l’animal ;
La naissance des animaux & le droit administratif ;
La mort des animaux & le droit administratif ;
Les animaux errants & le droit administratif ;
Le cirque & le droit administratif ;
Le canard & le droit administratif ;
Le loup & le droit administratif ;
L’ours & le droit administratif ;
La religion, l’animal & le droit administratif ;  
L’équarrissage & le droit administratif ;
L’épizootie & le droit administratif ;
La grippe aviaire & le droit administratif ;
Les professions animalières règlementées (vétérinaire, ostéopathe animalier notamment).
Les services d’inspection vétérinaire & le droit administratif ;
Etc.

Juin 2021- Septembre 2021 : écriture des contributions et montage du dossier pour une publication en ligne en septembre 2021.

Sans perdre de vue l’optique pédagogique du JDA,
il est demandé aux contributeurs de concevoir une contribution en respectant les consignes suivantes :

  • contribution de 45.000 caractères espaces comprises au maximum ;
  • police unique dans tout le corps du texte (Times New Roman au plus simple) (12) ;
  • proposition de titre et d’au moins trois mots-clefs référentiels ;
  • emploi des subdivisions suivantes I. II. III. etc. ; puis A. B. etc. ; au besoin 1, 2. etc. ;
  • la proposition sera accompagnée d’un CV, de la mention des noms, prénoms, titres & fonctions à retenir ainsi que d’une photographie au format 604/270 px.

Toute personne souhaitant participer au présent dossier du JDA est ainsi invitée à respecter les consignes ci-dessus et à envoyer les éléments pertinents demandés à l’adresse : contribution@j-d-a.fr

Les auteurs seront informés de la recevabilité de leur proposition ou des contre-propositions éventuelles avant le 15 juin 2021.

Contributions retenues
au 1er avril 2021 (par ordre alphabétique & non scientifique)

L’abattage rituel des animaux
La chasse pendant les confinements pandémiques
La chatte dans le strat’
La construction d’un statut juridique cohérent pour l’animal ?
Le requin & le droit administratif
Le pangolin & le droit administratif
Le pigeon & le droit administratif
Les animaux des grands arrêts du droit administratif
Les insectes & le droit administratif

Vous pouvez citer cet article comme suit :
Journal du Droit Administratif (JDA), 2019-2021 ; Art. 266.

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